C’est le témoignage d’un ivoirien - qui a souhaité garder l’anonymat - rencontré au 6ème arrondissement, quartier périphérique de Nouakchott où il y a une forte communauté ivoirienne. En Mauritanie, les migrants subsahariens sont très souvent victimes de tracasseries policières qui aboutissent à des rafles et déportations vers la frontière sénégalaise. Qu’ils soient sénégalais ou pas, il suffit qu’ils soient noirs. En effet, la chambre basse du parlement mauritanien a adopté le projet de loi sur la libre circulation des personnes et des biens entre la Mauritanie et Côte d’Ivoire lors de sa session du 17 décembre 2014. Convention signée, le 16 Mars 2014 entre le ministre des affaires étrangères mauritanien d’alors Ahmed Ould Teguedi et son homologue ivoirien Charles Koffi Diby. Suppression de visas et carte de séjour
Devant la chambre basse du parlement, le ministre de l’économie et du développement, Sidi Ould Tah, ministre des affaires étrangères par intérim lors de l’adoption de la convention, déclarait « la convention stipule la suppression de visas d’entrée entre les deux pays ainsi que la carte de séjour, rappelant toutefois que les citoyens des deux pays désirant se rendre dans l’un ou l’autre pays doivent être munis de passeports ou de documents similaires comme la carte d’identité nationale, une carte consulaire ou une attestation d’identité ». Le message est clair. D’autant plus que, le compte rendu de la séance au cours de laquelle la convention a été adoptée par l’assemblée a été publié par l’agence mauritanienne d’information, agence de presse officielle le 18 Décembre 2014. Mais les expulsions continuent « Certains des nôtres sont expulsés vers Rosso, pour ne pas dire vers le Sénégal au lieu de les expulser vers Gogui à la frontière malienne, près de la ville de Nioro. Alors nous ne comprenons pas pourquoi, sachant que les accords de coopération sont clairs. Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz a promulgué la loi adopté par l’assemblée nationale.
Mais quand nos compatriotes sont arrêtés, les policiers nous disent qu’ils n’ont pas la moindre preuve de la signature de la dite convention. Qu’on ne leur a pas notifié officiellement que les ivoiriens en Mauritanie sont exonérés de la carte de séjour. Ce, même si nous allons au commissariat munis des copies certifiées de ces accords, c’est toujours la même réponse : nous ne sommes pas au courant de ça ». Confie SEI Alain, secrétaire général de l’Association de la Communauté Ivoirienne en Mauritanie (ACIM). Ne pas parler hassaniya, un facteur discriminant Dire que la barrière linguistique n’y est pour rien dans cette situation serait mal connaitre le sujet, au moment où des mouvements de négros-mauritaniens continuent de taxer l’Etat et le régime en place de « discriminatoire et raciste ». Cet autre ivoirien qui lui aussi requiert l’anonymat est de cet avis « Arrivé au commissariat on te dit de signer un papier écrit en arabe pour être relâché alors que c’est pour te déporter. Quand tu ne parle*s* pas Hassaniya, tu n’as aucune chance ». Une convention, plusieurs interprétations ? « Les ivoiriens font une interprétation abusive du contenu de la convention », ces mots sont attribués à l’actuel ministre de la défense Diallo Mamadou Bathia et au Directeur Général de la Sûreté. Propos qu’ils auraient tenus lors d’une rencontre avec des représentants de la communauté ivoirienne selon SEI Alain, secrétaire général de l’Association de la Communauté Ivoirienne en Mauritanie. Pour Alain SEI, « c’est plutôt les autorités policières qui font une interprétation erronée de la convention. Elles croient que c’est un accord entre la Mauritanie et la CEDAO. Ce n’est pas le cas. C’est un accord entre deux Etats et les termes de ces accords sont clairs ». Un cas parmi tant d’autres
Frank, un des membres du bureau de l’association représentative des ivoiriens en Mauritanie, a été arrêté récemment en partance pour Nouadhibou. « Quand nous sommes allés au commissariat, le commissaire nous a répété la même chose que les autres. Il disait ne pas être au courant de ces accords. Le lendemain, j’ai été déporté vers Rosso. Mon histoire est un cas parmi tant d’autres, y’en a marre ! ».
Service payé « Pire, certains ivoiriens notamment ceux qui travaillent dans la restauration qui descendent à des heures tardives, sont obligés de s’acquitter de la carte de séjour pour ne pas avoir de problème. Nos compatriotes qui sont dans les banlieues, et les quartiers populaires de Nouakchott se font interpeler par les policiers dans leurs maisons, leur lieu de travail et les embarquent. Une fois au commissariat, il faut se débarrasser d’un billet bancaire pour recouvrer sa liberté » Ajoute-t-il. Indignés, ils condamnent Le consul de Côte d’Ivoire à Nouakchott, Tidiane Diagana, actuellement en déplacement en France s’était insurgé contre ce qu’il qualifie de « violations de la convention de libre circulation ». Selon plusieurs médias mauritaniens, il a fait part de son mécontentement à Fatma Vall Mint Soueina, actuelle ministre des affaires étrangères et de la Coopération. Toujours dans le chapitre des indignations, la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO) a exigé l’arrêt des expulsions et invité l’état mauritanien à « respecter ses engagements vis-à-vis des conventions régionales et internationales qu’elle a signées et ratifiées, notamment la Convention internationale sur la protection de tous les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille ». Terre d’accueil, pas accueillante Selon le rapport 2010 de l’Organisation Internationale pour les Migrations, il y aurait plus de cent mille migrants subsahariens en Mauritanie. La grande majorité serait du Sénégal et du Mali. Les ivoiriens eux, ont commencé à venir en masse en Mauritanie lors de la crise postélectorale ivoirienne de 2011. Au moment où une forte colonie mauritanienne se trouve en Côte d’Ivoire depuis plus de 30 ans.
«Une question ne trouve toujours pas de réponse. Pourquoi signer une convention de libre circulation si on ne l’applique pas ? Une convention qui profite plus aux mauritaniens en Côte d’Ivoire qu’aux ivoiriens en Mauritanie ». C’est ce qui ressort des différents témoignages recueillis, à Nouakchott. Raisons invoquées : le nombre de mauritaniens en Côte d’Ivoire est plus important que ceux d’ivoiriens en Mauritanie ; l’intégration des mauritaniens en Côte d’Ivoire est plus facile grâce à leurs commerces prospères.
En Côte d’Ivoire, les mauritaniens ne font que « payer le timbre à 1000 franc CFA par an, ce qui fait 600 Ouguiyas. Au moment où l’ivoirien en Mauritanie est obligé de payer 30.000 Um pour une carte de séjour soit 50.000 FCFA ». La journaliste Marie-Ange Kouassi dans son article sur l’intégration des mauritaniens en Côte d’Ivoire, estime à environ 40.000 le nombre d’immigrés venus de Mauritanie. Pour l’heure aucun chiffre officiel recensant les Mauritaniens en Côte d’ivoire. Ce, au moment où « la communauté ivoirienne en Mauritanie ne dépasserait pas les 2.000 personnes », affirme le président la communauté ivoirienne en Mauritanie. Il poursuit, « l’enseignement et le bâtiment sont les deux secteurs d’activités dans lesquels évolue la majorité de la diaspora ivoirienne en Mauritanie». La Côte d’Ivoire compte plus de 16.000 boutiques tenues par des Mauritaniens implantés sur tout l’ensemble du territoire national, confiait le président des boutiquiers mauritaniens, Mohamed Brahim Ould Laghdaf, en décembre 2013 à l’hebdomadaire Top Visage.