Moussa, 24 ans, est migrant en provenance du Mali. Il raconte: «Du fait que je ne dispose pas de carte de séjour, les gens m’exploitent assez. J’ai travaillé avec un mauritanien dans la fabrication de briques. On s’était mis d’accord sur 50 UM par brique (0.14 euro), à remettre à la fin du mois. Le délai atteint, il ne me paie que 30 UM/l’unité (0.08 euro). Je n’ai pas pu porter plainte ; car, je n’ai pas une carte de séjour ».
Ce ne serait pas la seule fois que Moussa a été exploité à cause de l’illégalité de son séjour à Nouadhibou: «J’ai travaillé avec un autre mauritanien dans le transport de glace industrielle. On s’est mis d’accord sur 500 ouguiyas par cargaison (1.40 euro). En fin du mois, il devait me payer 150.000 ouguiyas (420 euros) ; mais, je n’en ai eu que 30.000 ouguiyas (85 euros). Tout cela est dà» à l’absence de mon titre de séjour en Mauritanie ; ma situation illégale ne me permet pas de porter plainte contre ceux qui m’exploitent. Il y a mème des lieux o๠je refuse de travailler pour ne pas ètre arrèté et refoulé par la Police » raconte Moussa qui espère que des lois soient adoptées pour le protéger, lui et ses collègues, contre toute exploitation.
L’obtention de la carte du séjour constitue l’objectif optimum des migrants. Un tel sésame les protège contre l’exploitation et l’expulsion. Mais, la recherche de cette carte de séjour fait d’eux un objet d’exploitation. Fatou est migrante sénégalaise, résidente à Nouadhibou. Elle raconte son histoire: «Je suis venue à Nouakchott à la recherche d’un boulot, pour aider ma famille pauvre au Sénégal. A Nouakchott, j’ai logé chez ma tante qui m’a exploitée durant trois mois. Il est vrai que nous nous sommes mises d’accord que je travaille avec elle pendant trois mois, qu’elle ne me paie pas, mais me fournisse ma carte de séjour. Mais, si j’ai travaillé de fait, elle ne m’a pas délivré ma carte de séjour . Ensuite, elle m’a envoyée à Nouadhibou pour travailler chez une amie à elle. Maintenant, à Nouadhibou, je travaille chez une famille mauritanienne. Je ne perçois pas tout mon salaire ; car, une échéance de 10.000 ouguiyas doit ètre versée mensuellement à ma tante si-mentionnée pour me payer la fameuse carte de séjour et j’envoie le reste à ma famille résidente au Sénégal ».
Pour Touré Alkaya, Secrétaire général de la coopérative «PAN CADI » active dans la défense des migrants de Nouadhibou «Notre coopérative est composée de 1.500 à 2.000 migrants, dont le problème principal reste la non obtention de la carte du séjour. Ce qui constitue un handicap à leur obtention d’un travail stable et fait qu’ils vivent dans une peur perpétuelle d’ètre refoulés ou exploités ».
Mohamed Ould Ely est président de l’ONG «Dawwassa (Pédale) » membre du Collectif des Associations de la Société civile de Nouadhibou. Il suit de près le dossier des migrants. Selon lui «Il existe des cas d’exploitation des migrants qui ne disposent pas de cartes de séjour ou permis de travail, mais qui ne peuvent pas recourir à la justice en cas de litiges. De facto, ils acceptent le fait accompli -dur soit-ils- à cause de leur besoin du travail. En plus, toute plainte qui vise l’employeur pourrait, certes, aboutir à la poursuite de ce dernier, mais elle pourrait également conduire à l’expulsion des migrants plaignants et à leur perte du travail. Par conséquent, il vaudrait mieux supporter l’exploitation ».
Momo Ducros, responsable des projets de l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM), indique que «l’exploitation dont sont victimes à Nouadhibou les migrants irréguliers prend diverses formes dont la prostitution et la contrebande de réseaux impliqués dans l’immigration clandestine ». Le fonctionnaire international admet que «la Représentation de l’OIM ne dispose pas de chiffres actualisés sur le nombre des migrants à Nouadhibou. Car, le dernier recensement de ces migrants remonte à 2008. Il estime leur nombre à 8.000, dont la plupart est issue des pays subsahariens. Mais, le nombre de ceux qui ne détiennent pas de cartes de séjour reste inconnu ».