Enseigner en Mauritanie devient de plus en plus difficile pour les étrangers. Cheikh Abba Bayo dispensait des cours depuis 2004. Il est l’une des victimes de cette mesure gouvernementale. « J’ai été expulsé de l’école des Nations où j’enseignais le français après le passage d’une équipe d’inspection du ministère de l’Education » déclare l’enseignant migrant.
D’après les statistiques de l’UNESCO sur l’éducation en 2007, il y avait plus de 20 000 enseignants pour près de 37000 écoles primaires en Mauritanie. Et 5200 professeurs assurent l’enseignement secondaire pour 100 000 élèves, dont un quart dans le secteur privé.
Selon Cheikh Bayo, 80% des enseignants dans les écoles privées mauritaniennes sont des migrants. La confédération Générale des Travailleurs de Mauritanie (CGTM) parle de 500 à 600 enseignants migrants dont 200 sont issus de la communauté sénégalaise. Ces enseignants du secondaire et du primaire sont très sollicités pour les matières comme le français, l’anglais et les mathématiques.
Une étude du ministère de l’éducation il y a quinze ans soulignait que la quasi-totalité des instituteurs en Mauritanie ne sont pas bilingues, les trois quart ne sont qu’arabophones uniquement et 20% francophones. Les besoins en enseignants francophones restent criants quand le quart des programmes doit être dispensé en français.
Le gouvernement mauritanien a pris dès le début de l’année scolaire 2014-15 une mesure administrative interdisant aux migrants d’enseigner ; elle fait suite à une mesure similaire à l’égard des chauffeurs de taxi et des marins pêcheurs étrangers.
Pour Me. Id Oud Mbareck, Avocat à la Cour, cette nouvelle mesure « n’est pas une loi qui a un caractère législatif mais une mesure administrative qui est en contradiction avec la loi existante ». Et de justifier que le code du travail « n’interdit pas le travail aux migrants, mais exige certaines conditions, à savoir , essentiellement, le permis de travail qui est le principal document permettant aux migrants de travailler librement ».
«L’Etat doit permettre à ces migrants d’accéder au travail parce que aussi c’est une main d’œuvre nécessaire » recommande Me Fatimata M’Baye, présidente de l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme.
Pour sa part, le responsable de la migration au sein de la CGTM, Mamadou Niang a estimé que la gestion du travail «ne peut pas être une gestion sécuritaire mais plutôt administrative, car c’est une gestion du travail ». Et par conséquent, ajoute-t-il, la Mauritanie doit « s’en tenir aux conventions internationales et la réglementation qu’elle a adoptée dans ce sens ».
Les propos de la présidente de l’AMDH divergent avec ceux de Monsieur Mamadou Kane, ambassadeur du Sénégal en Mauritanie, selon lequel « Les textes concernant les droits des migrants n’ont pas été ratifiés par la Mauritanie, ce qui fait la différence avec la plupart des pays récepteurs à savoir les Etats Unis, la Grande Bretagne et d’autres pays de l’Europe de l’Ouest».
« Comment peut- on être interdit de travailler dans un pays alors que l’on dispose de tous les documents exigés pour la résidence dans ce même pays ? » s’interroge Cheikh Abba Bayo aujourd’hui au chômage. Selon lui, « c’est une forme regrettable de discrimination ».