Rayya Mint El Khattab est issue d’une caste ‘supérieure’ selon la société mauritanienne. Elle ne veut pas céder à la volonté de la société en matière de choix du mari. La société interdit en effet à la fille de convoler en justes noces avec un mari d’un rang social plus bas que le sien. Mint El Khattab refuse ce destin et affirme que rien ne pourrait l’empêcher de choisir librement son futur mari et ce malgré le texte islamique clair accordant au père l’autorité sur l’avenir de sa fille.
Rayya est étudiante en Anglais à l’Université de Nouakchott. Elle déclare: «Le problème ne réside pas dans le risque auquel peut aboutir ma décision de me rebeller contre les lois coutumières, mais dans les conséquences sociétales et les maux psychologiques que pourrait engendrer un tel mariage sur mes enfants qui risqueraient la ségrégation parmi leurs pairs».
Pourtant, malgré le fait que la Mauritanie soit connue dans le continent africain pour sa diversité humaine, le fait que certains hassanophone de teinte claire prétendent être la classe supérieure de la société mauritanienne, et empêchent leurs filles d’épouser parmi les communautés des noirs, négro-africains et hratines ou hassanophones de teinte noire, de telles pratiques ne sauraient aider à la cohésion sociale et à un rejet de fait de l’esclavagisme dans la société mauritanienne.
Par ailleurs, Pour marquer son rejet du régime des castes sociétales, Rayya précise: «Je suis déterminée à me marier en dehors de ma caste, en conformité avec mes sentiments qui sont plus sacrés que les tabous de la société».
Aminata Alassane Ndiaye est de la communauté Peulh. Elle partage le point de vue de Rayya «pour jouir de sa liberté de choisir son futur mari». Elle reconnait tout de même que cette position «comporterait un grand risque, dont le moindre est la rupture avec sa famille et l’exposition de ses enfants à un avenir incertain ».
Aminata ajoute « la position de Rayya n’est pas facile. Ma cousine a été obligée d’émigrer en Belgique, pour appliquer un tel choix dans la communauté hassanophone».
Cette militante de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA-Mauritanie), souligne que «Nous devons dépasser ces règles figées concernant les castes, pour faciliter l’intégration et l’unité nationales».
Dans la communauté des Soninkés, la situation n’est pas meilleure. La femme soninké est appelée à une guerre sans merci pour avoir le droit de choisir librement son mari. Un droit dont bénéficie exclusivement l’homme de cette communauté.
Halima Kane milite pour ce droit au sein de cette communauté. Selon elle «Il n’y a pas eu encore d’issue à cette injustice, à cause de l’intolérance vis-à-vis de certaines couches de la société, notamment les pêcheurs et les bergers. Raison pour laquelle certaines familles se sont disloquées».
Dr Sidi Mohamed Ould Khattar, Professeur en Sociologie à l’Université de Nouakchott, pense qu’il n’y a pas de raison pour que ces considérations persistent encore. Il s’agit-là, selon lui de «comportements racistes, démodés et en dehors de leur contexte historique ». Le professeur indique qu’«Il y a un problème au niveau de l’offre et une absence totale de demande en matière de mariage, alors que les communautés continuent à insister sur l’attachement aux privilèges sociaux». Ould Khattar dit qu’ «il faut qu’il y ait des Rayya pour appliquer la justice et l’égalité sociales». Il conclut: «Nous avons besoin de faire hériter à nos enfants ce type de pensées».
Ahmed Tidjani Omar Dia est imam à la Mosquée de l’Imam Navé, sis au centre-ville de Nouakchott. Il pense que «la supériorité d’une classe sur les autres, constitue une hérésie qui n’a aucun fondement en islam». L’imam précise: «Malheureusement, l’idée de la suprématie de certaines classes est courante dans la communauté Peulhs. Elle est la cause de la propagation de l’adultère, de la prévalence de l’infidélité et de la croissance du célibat chez les femmes issues des castes jugées de haut niveau».