Toutefois, avec la propagation des signaux négatifs du mariage précoce, l’Etat a commencé depuis 2002 à réglementer l’âge du mariage dans le cadre du Code de Statut personnel, qui a interdit le mariage de la fille âgée de moins de 18 ans, sauf dans des cas exceptionnels, souvent exploités à tort par les familles. L’exception concerne la fille exprimant le désir de se marier et c’est à la justice de se prononcer là-dessus.
Toutefois, ladite loi n’a pas été mise en application. Elle n’a pas été accompagnée de contrôle et de suivi par les autorités. Du coup, elle n’a pas mis fin au phénomène du mariage précoce. Et c’est désormais la société civile qui continue à dénoncer les dépassements et à lutter contre ses conséquences négatives, constituant un véritable obstacle face à l’ascension sociale dans un Etat en édification et qui compte optimiser les ressources humaines dont il dispose.
Par ailleurs, il est utile de souligner que les indicateurs statistiques de 2011 montrent que 37% des filles se marient à un âge inférieur à 18 ans ; 15 % à un âge inférieur à 15 ans. Le phénomène est plus aigu dans le milieu rural où 17 % des filles se marient à un âge inférieur à 15 ans et 41 % à un âge inférieur à 18 ans.
Rahma, 20 ans, est régulièrement torturée par son mari qui l’a épousée, alors qu’elle était encore mineure et qu’il la dépassait de 20 ans. Rahma a régulièrement fui cette violence et porté plainte à la justice. Mais elle a été condamnée à retourner à son domicile conjugal. Elle a tenté de se suicider à plusieurs reprises. Elle a même mis le feu à la chambre où son mari l’a emprisonnée. En quittant l’hôpital, Rahma est revenue de nouveau à la justice en espérant obtenir gain de cause.
Fatma, 17 ans, divorcée avec une fille à sa charge. Sa tante l’a mariée, alors qu’elle n’avait que 14 ans, à son beau-frère. Fatma a donné naissance à une fille au bout d’une année de mariage. Mais son ex-mari a décidé de se séparer d’elle par le divorce. Il a refusé de reconnaitre la fille et ne lui paie pas de pension alimentaire. Fatma ne veut pas intenter des procédures judiciaires pour réclamer les droits de sa fille, par crainte de trainer dans la boue la notoriété de sa famille. Pourtant, sa fille ne dispose pas du minimum fondamental qu’est l’identité et l’affiliation à un père biologique qui ne la reconnait pas.
Les associations de la société civile ne manquent aucune occasion pour condamner ce phénomène, dénoncer les dépassements et mettre l’Etat devant ses responsabilités pour sévir contre ce phénomène complexe.
Soukeina Bent Ahmed, présidente de l’Association mauritanienne des Droits de la mère et de l’enfant a dit : « Notre association travaille surtout dans le milieu rural, où le phénomène du mariage précoce est encore très répandu ». Soukeina a dit que plusieurs cas ont été enregistrés par l’association, qui a plutôt cherché des arrangements à l’amiable, permettant le retour de la femme à l’école. Mais leur principal objectif, c’est le renforcement de la scolarisation des filles à travers l’interdiction du mariage précoce.
Pour sa part, la présidente du réseau de concertation pour la défense des droits de la femme, Aziza Ben Meslim, attire l’attention sur les conséquences sanitaires irréversibles du mariage précoce, en insistant sur l’importance de décréter une loi ‘interdisant un tel crime’. Le mariage précoce constitue un délit pénal selon Aziza.
Au niveau gouvernemental, le conseiller en communication du ministre des Affaires sociales et président de la commission d’information de la campagne africaine de lutte contre le mariage des enfants, Sidi Ould Bayada, a parlé de l’existence de programmes d’avenir pour la lutte contre ce phénomène en Afrique en général et, particulièrement, pour la Mauritanie. Il a mis en exergue dans ce sens un projet de loi, prévu fin 2015, destiné à combattre la violence contre la femme et pallier les défaillances du Code de Statut personnel de 2002, qui a laissé une très vaste marge de manœuvre pour le juge en matière de mariage précoce. Il s’agit, aussi, selon Sidi Ould Bayada, de doter le texte de loi de mécanismes permettant l’application, le contrôle et l’exécution de son contenu.