Nous l’avons rencontré et il nous a raconté son passé et son présent :
« Je suis parti poursuivre mes études en Irak où j’ai obtenu une licence en physique de l’Université de Baghdad en 2002. Revenu en Mauritanie, j’ai obtenu une Maîtrise en économie islamique de l’Institut Supérieur des Etudes Islamiques ainsi qu’un Mastère en gestion d’affaires de l’Université Abdallah Ben Yassine à Nouakchott. J’ai par la suite fondé un journal qui s’appelle « Attanouir » mais qui a été censuré dès la parution du premier numéro. Par la suite, à ma sortie de prison, on m’a interdit de reprendre le journalisme en me refusant l’autorisation du site d’« El Manar » que j’ai essayé de développer. Actuellement, je suis à la tête d’un club culturel et sportif qui joue en division nationale depuis 2011. »
Notre interlocuteur nous raconte ensuite son adhésion à l’organisation terroriste : « J’ai commencé à découvrir la pensée salafiste en 2000 durant mes études en Iraq, plus exactement dans la région de Sidiya et dans une mosquée dirigée par des Yéménites. Avec un ami mauritanien, nous fréquentions cette mosquée, sachant toutefois qu’à ce moment-là, je n’étais pas tenté par l’idée du Jihad. C’est par la suite que s’est cristallisée en moi une vision du Salafisme comme projet comportant davantage de résistance contre l’occidentalisation et contre la tyrannie que le reste des courants intellectuels disponibles alors sur la scène arabe, tels que le panarabisme ou le projet des Frères Musulmans.
« A mon retour en Mauritanie, fin 2002, accompagné de mon ami, nous nous sommes mis à fréquenter les mosquées dans le but de faire la connaissance d’individus ou de groupes salafistes auxquels nous pourrions adhérer. Mon ami est parvenu à trouver une organisation salafiste secrète regroupant des Mauritaniens et se trouvant à un stade fort avancé sur le plan de sa structure interne. Cet ami a donc été mon point d’accès au groupe. Et bien que la vérité sur cette organisation ne soit pas encore connue, en tant qu’ancien Emir de cellule, chef du bureau de communication et membre de la cellule de coordination et de soutien logistique de l’organisation, je vais quand-même tenter d’expliquer certains aspects. »
Poursuivant son récit, Abdelwadoud explique : « Cette organisation puise sa force du fait que ses fondateurs soient des maîtres à penser religieux ayant une vieille expérience en salafisme jihadiste, dont par exemple les membres du mouvement "Hassem" dissout en 1994 à Nouakchott, ainsi que d’anciens combattants revenus d’Afghanistan. Certains même sont d’anciens professeurs de Ben Laden, du temps où il fut au Soudan, à la moitié des années 90. D’autres ont des liens solides avec des institutions caritatives du Golf soutenant l’organisation. Les jeunes diplômés chômeurs, enfin, ont beaucoup propulsé le mouvement ».
Pour ce qui est du caractère armé du groupe, notre interlocuteur ajoute : « Quand nous avons commencé la formation de la faction armée de l’organisation, nous avons d’abord envoyé les combattants, "Moujahidine ", s’entraîner en Algérie et au Mali, et c’était avant que le Groupe Salafiste Algérien pour la Prédication et le Combat ne prête allégeance à Al Quaida. Certains des combattants mauritaniens ont par la suite rallié ce groupe et quelques uns parmi eux ont même participé à ce qu’on appelle "la bataille d’El Mghit", au nord de la Mauritanie et qui a fait une douzaine de victimes ».
Exposant les raisons de son appartenance à cette organisation, le jeune homme affirme : « J’ai adhéré à la confrérie sous l’effet du discours religieux antioccidental et antiaméricain qui était concomitant à l’époque avec les scènes de persécution perpétrées contre les Musulmans en Palestine, en Somalie, en Afghanistan et plus tard en Irak. Tout ceci en plus de la réalité politique du pays en 2003, lorsque les coups d’état se sont succédé, à tel point que se sont constituées à l’extérieur du pays des factions armées nationalistes et ethniques, en plus des milices islamistes. La présence d’un régime totalitaire et exclusif avait engendré en fait une insurrection interne et j’ai préféré rejoindre la mouvance salafiste jihadiste qui pensait que la Mauritanie était au seuil d’une guerre civile à laquelle il fallait se préparer, sans oublier, bien entendu, l’influence de l’ami qui m’avait accompagné en Iraq ».
Les Conditions de détention
Sur les conditions de sa détentions, Abdelwadoud nous confie : « Après le coup d’état de 2005, la tension interne s’est un peu apaisée grâce à la libération de plusieurs prisonniers islamistes et grâce au fait que de nombreuses parties en conflit, comme le mouvement "Forsane Attghyir" et le mouvement " Aklam", aient rendu les armes. Une scission s’est alors produite au sein de l’organisation au sujet de l’efficacité d’une action armée contre un régime apprécié par le peuple. Je faisais partie de ceux qui étaient pour la dissolution de l’organisation armée et la participation au jeu politique, tandis que les autres ont rallié le front algéro-malien.
« Pendant toute cette période, j’ai été recherché par la police mais j’avais un nom de code et, tout en me tenant à l’écart de l’organisation, j’ai maintenu ma relation avec mon vieil ami qui était devenu très proche de Mokhtar Bel Mokhtar Belaâouar. Suite à l’arrestation de mon ami en Mauritanie où il comptait , avec un groupe jihadiste, commettre des attentats dans la capitale Nouakchott, à la fin de mai 2006, les autorités ont décidé de dissoudre le reste de l’organisation et j’ai été arrêté au début du mois de juin 2006 à Nouakchott en compagnie d’autres dirigeants du premier rang de l’organisation.
« Une année plus tard, au bout du procès, et après des pourparlers secrets avec les autorités, nous avons été jugés non coupables et j’ai été libéré au mois de juillet 2007. En rencontrant quelques anciens dirigeants de l’organisation qui avaient été libérés avant moi, ils m’ont proposé de travailler avec eux au sein d’une association caritative de prédication bénéficiant déjà d’une autorisation ; mais j’ai refusé. J’aurais préféré me faire réfugié politique en Europe en passant par le Sénégal, à travers l’organisation RADO ; mais les autorités sénégalaises ont enquêté avec moi à deux reprises et j’ai fini par retourner en Mauritanie ».
Evoquant sa vie présente, Abdelwadoud nous fait part de sa reconversion sportive : « Après une tentative d’enseignement dans des écoles privées, j’ai fondé « Al Ahli Al Mauritani" qui est un club culturel et sportif regroupant des équipes de différentes catégories et jouant en division nationale. Il n’empêche que nous trouvons des difficultés à obtenir des financements suffisants à nos programmes annuels. J’avais pourtant fondé ce club dans le but de lutter contre la délinquance et le terrorisme car c’est la discrimination qui est la source du mal ».
En conclusion, Abdelwadoud Weld Mohamed Salem a recommandé aux Occidentaux de lire directement le Coran et d’éviter d’en préjuger à travers les comportements de certains Musulmans. De même, il a appelé les autorités à faciliter l’intégration des combattants repentis dans la vie publique et de mettre en valeur leur admission dans la société. Il a enfin mis en garde les jeunes contre l’apprentissage de la religion à travers la toile.