Cette vieille femme milite, depuis plusieurs années, au sein d’un réseau d’ONGs locales pour convaincre à la fois le gouvernement et le parlement mauritaniens de l’importance et de la nécessité d’avoir une législation protégeant et garantissant le droit des citoyens à une santé reproductive saine et protectrice.
La mobilisation associative connait, depuis l’année 2000, des hauts et des bas. En 2007, un projet de loi d’initiative parlementaire a vu le jour grâce à des actions de plaidoyer menées par la société civile auprès des représentants du peuple. Mais, ce projet de loi n’a pas abouti puisque le Conseil des ministres l’avait renvoyé aux ministères concernés pour donner leurs avis et apporter certaines modifications.
En zone rouge
Cependant, la société civile semble retrouver, depuis quelques mois, un second souffle. Ainsi les rencontres se sont multipliés à Nouakchott et des débats ont eu lieu. Il y a eu même des émissions en rapport avec cette problématique considérée souvent comme un tabou. Le collectif associatif, qui mène ces actions, est formé par des activistes, des sages-femmes, des journalistes mais aussi des imams. Il est soutenu par le Fonds des Nations Unies pour la Population (Unfpa). Il double d’efforts pour faire avancer les choses en tirant la sonnette d’alarme.
En Mauritanie, les chiffres relatifs à la santé maternelle sont déjà très alarmants. Selon les statistiques des organisations internationales, le taux de mortalité maternelle à la naissance s’élève à 626 / 100.000, ce qui constitue un chiffre très alarmant. «Malgré les efforts, la situation reste très préoccupante et les indicateurs du pays sont parmi les plus mauvais de la sous-région », s’inquiète Dr. El Moustapha Attigh, chargé de Programme Santé de la Reproduction au bureau de l’UNFPA en Mauritanie.
Selon les activistes, ce projet de loi est indispensable pour servir de parapluie juridique au cadre médical désireux d’aider les femmes pour préserver leur santé reproductive : planification familiale, espacement des naissances, contraceptifs, consultation prénuptiale, lutte contre les mutilations génitales, limitation de la transmission du virus du Sida, etc.
Une croisade inéluctable ?
Le projet de loi stipule dans son article 12 que « toute personne, atteinte d’une IST (infection sexuellement transmissible) ou du VIH /SIDA , doit bénéficier sans discrimination et sans stigmatisation des droits civils, civiques , politiques et sociaux : logement, éducation, emploi, santé et protection sociale ».
Quant à l’article 21, il prévoit la possibilité de l’interruption «thérapeutique» de la grossesse sous certaines conditions. « Elle ne peut être autorisée que sur prescription signée par deux gynécologues obstétriciens et seulement dans le cas où la poursuite de la grossesse met en danger la vie de la mère. »
« Une évolution quand même… », Lâchent certains observateurs qui rappellent le caractère très conservateur de la société mauritanienne.
Ces mesures juridiques sont jugées extrêmement urgentes par les associations qui militent pour la santé de la mère et de l’enfant afin de limiter les taux de mortalité infantile et maternelle dans un pays où seulement 11,4% des femmes utilisent les contraceptifs. Ce chiffre prouve à lui seul que la planification familiale, préconisée dans ce texte juridique, demeure une utopie en Mauritanie où les naissances issues de grossesses précoces et rapprochées font la règle et non pas l’exception. D’ailleurs, 130 mille enfants sont menacés cette année d’insécurité alimentaire, nous prévient le bureau de l’Unicef en Mauritanie.
Néanmoins, les activistes ne baissent pas les bras devant l’immensité de ces défis. « Ce projet de loi doit être soumis au parlement le plus tôt possible pour adoption. Il faut que les ministères concernés fassent leurs commentaires sans plus tarder, car ce qui est en jeu ici c’est la vie des milliers de femmes et d’enfants», met en garde Mariem Abbas, présidente du Réseau nationale du plaidoyer pour la santé reproductive.
Mais pour changer les mentalités, les spécialistes appellent à une croisade de longue haleine qui ne devrait pas se limiter au volet juridique mais s’étendrait à d’autres aspects liés au comportement et aux croyances traditionnelles.