Abou Bakr est un quinquagénaire qui travailla pendant des années dans la sous-traitance journalière. Il assure que leurs demandes n’ont rien de politique : « Nous continuerons à protester pacifiquement jusqu’à faire entendre nos voix par l’opinion publique ».
Car Abou Bakr n’oublie pas son cousin décédé dans un accident de travail sur les rails du kilomètre 505, près de la ville de Zouerate. Il n’oublie pas non plus que les employeurs n’avaient pas bougé le petit doigt en faveur de la famille qui se contenta pour toute indemnité par faire employer le frère de la victime à sa place pour la moitié de son salaire. Cette histoire est selon lui un exemple vivant de la réalité que vivent les ouvriers depuis des dizaines d’années : médicaments introuvables, sécurité sociale inexistante et conditions de vie rudimentaires. Après avoir perdu tous leurs droits, la vie est devenue insupportable pour Abou Bakr et ses camarades dans ces déserts arides et il ne leur restait plus à qu’à manifester dans les rues de Nouadhibou.
Pas loin d’Abou Bakr, se tenait un jeune trentenaire du nom de Yebb Weld El Kacem. C’est l’un des travailleurs du chemin de fer, plus connus dans la région sous le nom d’« ouvriers des travaux ». Il y est depuis neuf ans.
Ces ouvriers vivent sous des tentes artisanales au bord du chemin de fer. Ils y mènent une vie misérable, selon leur propre terme. Ils disent en effet qu’ils travaillent près de 12 heures par jour sous un soleil brûlant et au milieu d’un désert infini.
En nous parlant, Yebb a insisté sur l’obligation d’accorder leurs droits aux ouvriers qui sont au nombre de 140 personnes, soulignant qu’il n’abandonnera pas cette revendication. Il assure par ailleurs qu’ils ne sont nullement concernés par tout accord conclu qui ne leur accorderait pas leurs droits, d’autant plus que leur cas est différent de celui de leurs collègues de la sous-traitance journalière.
Yhebb n’omet pas de pointer les hommes d’affaire qui les emploient, les décrivant comme des profiteurs avides et sans scrupule qui n’ont aucune considération pour les droits des employés, à tel point que, lorsque des ouvriers s’absentent, au lieu de les remplacer, ils font en sorte que le surplus de travail soit rabattu sur le reste des travailleurs.
Il affirme aussi que les syndicats ne les représentent plus depuis, notamment, qu’ils ont signé un accord avec les entreprises patronales, stipulant la reprise du travail sans que les ouvriers aient obtenu leurs revendications préalables, ce qui a été ressenti par les travailleurs comme une injustice.
Ami Weld Sid Ahmed, représentant syndical des travailleurs journaliers, confirme en effet qu’un accord a été signé avec les entreprises patronales où les circonstances temporelles ont été prises en considération autant que le respect des droits ouvriers, en l’occurrence celui de l’ancienneté qui était la principale cause du différent entre employés et employeurs.
Weld Sid Ahmed reconnaît certes les lacunes de cet accord mais, tout en insistant sur la nécessité de répondre favorablement aux revendication des ouvriers, considère aussi que ces derniers ont précipité la décision de grève, surtout que les entreprises venaient tout juste d’entamer le nouveau cycle de travail.
Notons enfin que pendant la réalisation de ce reportage, nous avons essayé de joindre l’entreprise patronale concernée par l’affaire mais nous n’avons reçu aucune réponse de sa part.