En effet, 49 sociétés d’exploitation des produits de carrières travaillent dans la moitié Sud seulement du gouvernorat d’Enchiri sur de vastes superficies. Elles procèdent à des opérations de forage et d’épuration afin de recueillir les pierres et les traiter sur place.
L’expert dans la protection de l’environnement Ahmed Yamor Weld Ishak affirme : « La poussière dense émise sans arrêt des manufactures de ces sociétés est à l’origine d’une véritable catastrophe environnementale, dans la mesure où la flore de la région s’est considérablement détériorée ». Expliquant ce phénomène, il poursuit : « Cette poussière, en s’accumulant sur les feuilles, prive les plantes et les arbres de la lumière et les empêche d’achever la photosynthèse nécessaire pour leur développement naturel».
Un autre spécialiste de l’environnement, qui préfère garder l’anonymat, nous apprend que « ces sociétés sont tenues, comme l’exigent les permis qui leur sont fournis par le Ministère des Métaux mauritanien, d’effectuer une étude tous les six mois afin d’évaluer les dangers de l’exploitation des carrières sur l’environnement, ce qu’elles ne font pas étant donné le manque, voire l’absence, de tout contrôle ». Il ajoute par ailleurs que « remuer la terre de fond en comble a modifié ses reliefs géographiques d’origine, affaibli sa fertilité à certains endroits et l’a rendue carrément stérile à d’autres ».
L’histoire d’Assalik Weld Emhammed, bientôt septuagénaire de la région de « Khatt Echarki » illustre bien les propos de l’expert. En effet, il a hérité cette terre de ses aïeux et il la travaille avec ses filles tous les ans pour vendre ce qui excède leurs besoins et en vivre jusqu’au récoltes prochaines. Mais depuis que les sociétés d’exploitation des produits de carrières ont creusé de grandes digues, de profondes tranchées et de hauts barrages dans l’oued, leur récolte a nettement diminué par rapport à l’année dernière, en plus du fait que celle de cette année semble déjà avortée.
Weld Emhammed conclut en disant : « Cette terre est tout ce que nous possédons et elle est notre seule et unique ressource. Si l’Etat ou les entrprises responsables de ce problème ne font rien pour remplir ces tranchées et enlever les barrages construits dans l’oued, nous serons contraints, comme beaucoup d’autres familles d’ailleurs, de quitter la région ».
Bilel Weld Salem, quinquagénaire de la région de Birjimet assure, quant à lui, qu’il trouve désormais beaucoup de difficulté dans l’élevage du bétail, à cause de la destruction de la flore dans la région. « Ces entreprises utilisent des engins gigantesques qui arrachent les arbres à la racine et modifient le cours des Oueds alimentant les puits qui nous fournissent l’eau potable, à nous et aux bêtes. De même, les fossés creusés par ces sociétés nous ont causé la mort de nombreuses têtes de bétail qui y tombent sans pouvoir en sortir ».
Weld Salem soulève également le problème du bruit des camions et des lumières des manufactures, devenues dérangeantes aussi bien pour eux que pour le bétail qui n’est pas habitué à ce niveau de pollution sonore.
Pour sa part, Le Haratin Weld El Khales, ex-maire de la ville d’Akjoujet et président de l’organisation « Environnement et Développement du Nord », observe : « Notre organisation a déjà tiré la sonnette d’alarme et alerté les autorités concernées sur la nécessité de prendre des mesures strictes contre ces entreprises qui ravagent la région ».
« Trouver une zone exploitable à l’agriculture ou à l’élevage devient très difficile, notamment sur la moitié sud du gouvernorat», ajoute-t-il en assurant que son organisation a publié une déclaration où elle appelle à l’ouverture d’une enquête immédiate au sujet des dommages environnementaux ayant touché les rivières et les zones de pâturage, surtout dans l’oued connu sous le nom « El Khatt Essahel ».
L’organisation appelle également à enquêter sur les préjudices portés par ces entreprises aux monuments archéologiques, aux cimetières et aux sanctuaires des marabouts vénérés par les habitants des différentes régions du gouvernorat.
D’un autre côté, nous avons essayé de recueillir le point de vue du Ministère de l’Environnement et du développement Continu en Mauritanie en tant qu’organisme gouvernemental responsable du contrôle de la sécurité environnementale. Pour toute réponse, on nous a promis de nous joindre ultérieurement.
Par contre, nous sommes parvenus à nous procurer un rapport publié par le même ministère en février 2015 et indiquant que, sur les quarante neuf sociétés, quatre seulement respectent les normes environnementales stipulées dans le cahier des charges.