« Il nous arrive de rester une quinzaine de jours, voire un mois parfois, sans eau, dans l’attente d’une citerne d’eau venant de Nouakchott», s’exclame Salka Mint Mohamed El-Abd, présidente d’une coopérative au village de Limheidjrat (Imraguens). Elle tire la sonnette d’alarme sur cette question vitale. «Les responsables nous ont promis, depuis plusieurs années, une étude pour ériger un château d’eau ou un projet de dessalement. Mais tout cela demeure malheureusement lettre morte », regrette-t-elle. Sa camarade Mariem, elle-aussi, chef d’une coopérative du même village rappelle que : « Les vingt coopératives attendent toujours la traduction en actes de ces promesses ».
Regroupant environ 400 personnes, le village de Limheidjrat, situé à 105 km de Nouakchott, constitue l’une des localités encore habitées par les Imraguens (population autochtone) qui perpétuent leur ancien mode de vie, basé sur la complémentarité entre les hommes et les femmes. « Nous, femmes, procédons au séchage du poisson ramené de la mer par nos maris. Nous extrayons également de l’huile à partir des parties non séchées », dit Salka.
Les femmes de Limheidjrat aspirent à l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie. « Nous souhaitons moderniser notre chaîne de production en disposant de frigos, cuisinières et une voiture pour les courses», résume Salka qui n’a pas oublié pour autant leur souci majeur, à savoir : l’eau.
« Imagine, on achète le mètre cube d’eau à quatre mille ouguiyas (13 €), alors qu’il est vendu trois fois moins cher à Nouakchott», insiste-t-elle. Et de poursuivre : « Les bâches utilisées pour conserver l’eau ne résistent pas longtemps et sont souvent trouées par les corbeaux». Les femmes souhaitent la construction à Limheujrat des mbalkas (réservoirs cimentés). Par ailleurs, les coopératives féminines affrontent, comme tous les habitants de la région, d’autres défis de genre écologique et climatique, compliquant davantage leur situation matérielle.
« Notre village se trouvait auparavant au bord de la mer. Mais la zone est devenue submersible, nous obligeant à faire reculer nos demeures à six kilomètres du littoral avec ce qui s’en suit comme souffrances », précise Mariem.
« Auparavant, on utilisait lihtab (bois au chauffage) pour extraire de l’huile du poisson. Mais la sécheresse nous a désormais condamnées à utiliser du gaz butane, très cher pour nos modestes budgets », se plaint Salka.
Last but not least, les villageoises de Limheidjrat éprouvent mélancoliquement la récession touristique qui s’est accentuée suite aux attentats et enlèvements commis il y a moins de dix ans. « Tu sais, grâce aux touristes étrangers, on vendait rapidement nos produits. Ils nous encourageaient même, nous et nos enfants, à rester dans notre milieu originaire. Ils amenaient les cadeaux pour nos gamins ! », raconte nostalgiquement la membre d’une coopérative.
Malgré tout, les femmes de Limheidjrat (le nom d’un fameux rocher de mer) ne perdent pas espoir gardant leur éternelle confiance dans l’avenir !