Ce destin est celui d’une proportion importante des enfants issus des berges du fleuve Sénégal, qui vivent une situation difficile à cause de la pauvreté et des coutumes sociales et culturelles de la société mauritanienne.
Lesquelles coutumes sont à la base du vagabondage de ces enfants Al Mouda ou Talibés.
Dr Mohamed Ould Hemyada, chercheur en sociologie
-Les enfants Al Mouda, ou Talibés, c’est un phénomène social observé en Mauritanie depuis des siècles.
-Les communautés Wolof et Polar qui considèrent que ce phénomène fait partie de l’apprentissage de l’Islam.
-La culture Polar sacralise ce phénomène.
-Cet enseignement est considéré comme un moyen essentiel pour véhiculer la culture arabo-musulmane.
La pauvreté pousse également les parents à envoyer leurs enfants à ces écoles traditionnelles. Ainsi, d’une pierre, deux coups. D’une part, les charges de la famille sont allégées avec le départ des enfants. D’autre part, ces enfants reçoivent une éducation traditionnelle.
Les enfants talibés sont accueillis par les Cheikhs-enseignants qui les envoient chaque jour mendier en ville durant plusieurs heures.
Ancien élève de Mahadra
-C’est un phénomène auquel l’Etat doit s’intéresser.
-Ces enfants sont issus de milieux très pauvres. Le marabout est lui-même très pauvre.
-Il n’a pas les moyens pour prendre en charge sa famille et la soixantaine des talibés de sa Mahadra.
Pour voir de près ce phénomène, Dune-voices s’est rendu à la ville de Rosso, sur les rives du Fleuve Sénégal. Direction la Mahadra d’Adril, l’une des plus prestigieuses Mahadra de Rosso.
Abbes Slika, Cheikh de la Mahadra d’Adril
-Les élèves âgés mangent à la maison, alors que les petits mendient dans les rues en ville.
- Il se peut que d’autres Mahadras demandent aux enfants de ramener l’argent mendié. Pas chez nous.
-Depuis la création de cette école, nous n’avons jamais demandé de l’argent, même pas une Ouguiya.
Les autorités locales sont également inquiètes à propos du sort de ces enfants.
L’adjoint du maire, Ahmed Ould Abid
-Il ne faut pas oublier que toute maladie attrapée par ces enfants, va se propager dans toute la ville.
-Ces enfants sont en contact avec tout le monde.
Ces enfants sont exploités de diverses manières. Leur vie est partagée entre des errances sur les sentiers et les places publiques de la ville, durant la journée, et les cours des mosquées, pour passer la nuit. Ils vont également dans les décharges publiques récupérer des objets pouvant leur servir. Une telle vie les expose aux divers risques et maladies.
Dr Ahmed Ould Jeddou, médecin principal à l’hôpital de Rosso.
-Ces enfants sont exploités matériellement et sexuellement par des adultes.
-Ils sont exposés à tous les dangers.
-Il arrive régulièrement qu’ils séjournent à l’hôpital pour se faire soigner.
-Certains meurent même des complications de leurs maladies.
-Malheureusement pour eux, même décédés, personne ne vient pour les reprendre et les enterrer.
Le phénomène Al Mouda a attiré l’attention d’organismes et ONG internationales, comme la Banque mondiale ou « Enfant et Développement », qui ont instruit des études sur la question. Les conclusions pointent des doigts les parents et les Cheikhs-enseignants de ces enfants, en les accusant de complicité dans la dégradation de la situation de ces enfants.
Enfant AlMouda
-Chaque jour, je traverse vers la Mauritanie pour mendier.
-Si je ne rentre pas avec des sous, mon maitre me punit violemment.
Les études ont révélé des situations d’esclavage et de traite du genre humain, pénalisées par la loi mauritanienne. Par ailleurs, les revenus estimés de cette mendicité s’élèvent à plusieurs centaines de milliers d’Ouguiyas par Jour (des milliers d’Euros).
Responsable du centre de protection et d’intégration sociale :
-Le ministère des Affaires sociales assume pleinement son rôle.
- Nous allons sur les lieux fréquentés par ces enfants pour les récupérer, les héberger et leur fournir de l’aide.
-Le ministère fournit des efforts pour chercher les Cheikhs-enseignants de ces enfants pour leur faire assumer leurs responsabilités.
La situation difficile de ces enfants constitue un défi pour les autorités, surtout après la découverte de réseaux de trafic de drogue dans la sous-région, exploitant ces enfants. Le phénomène est d’autant plus grave qu’il exploite des enfants des pays limitrophes de la Mauritanie, envoyés initialement aux Mahadras locales pour des études mais, exploités par des familles ou des gangs criminels.