Pour conjurer de tels risques, l’Imam Abdoulaye Sarr développe un discours et des actions concrètes, pour promouvoir la fraternité et le vivre ensemble. Son agenda est surbooké par les rendez-vous avec les organisations des jeunes qui sollicitent ses conférences au sein de leurs écoles, des universités et des organisations tels que : Pairs Educateurs, World Vision, la Maison des Cinéastes, Stop SIDA.
Il est surtout connu à travers son association « Main dans la Main », qui développe des rencontres et des caravanes de fraternité et de partenariats professionnels entre les membres des différentes communautés mauritaniennes. L’Association se prépare à organiser pour sa 8ème rencontre annuelle, le premier colloque international des Musulmans de l’Espace Francophone (CIMEF) en Mauritanie cette année.
Abdoulaye Banda Sarr, est né en 1969 à Akjoujt, une ville minière située au nord-ouest de la Mauritanie et a grandi à Kaédi, capitale du Gorgol qui se trouve sur la rive droite du fleuve Sénégal.
A priori, rien ou presque, ne prédisposait ce féru de philosophie, fils d’un chef maçon, à devenir imam. Un titre qui est donné à celui qui par son savoir de l’Islam (Coran et Pratiques) devient apte à diriger la prière et donc à servir de guide spirituel dans une communauté musulmane.
L’imam Sarr revient sur son enfance : « L’épouse de mon père qui m’a élevé, m’a inculqué deux valeurs : la prière et la modestie. Ma famille était riche, mais j’étais obligé d’aller, à l’heure du repas, faire l’Almoudé (le talibé mendiant chez les wolof) … »
En 1994, les frontières entre la Mauritanie et le Sénégal s’ouvrent après leur fermeture consécutive aux douloureux événements de 1989. Des évènements qui ont fait déporter des milliers de personnes des deux côtés du fleuve Sénégal.
Abdoulaye Banda SARR, qui est en année de maîtrise, prend la route pour la première fois en direction de Saint Louis. Il part à la rencontre de sa mère et de sa sœur desquelles il avait été séparé, lors de ces déportations, pendant cinq longues années.
Et c’est au cours de ce voyage que le jeune philosophe décide de revenir en Mauritanie et de devenir Islamologue. Une reconversion qui exige de lui une immersion linguistique, un apprentissage religieux et un voyage à travers deux communautés : les maures et les pulaar. Toute une formation qui va durer deux années.
A l’issue de cet apprentissage intensif, le jeune Imam se rend compte qu’en Mauritanie, il y avait deux Islam : l’Islam de ceux qui parlent arabe et celui des autres. Une situation, selon lui, anormale et dangereuse à terme dans un pays entièrement musulman. La réflexion le conduit à créer une association, dont la mise en œuvre dura de 1996 à 2006.
L’association « Main dans la Main, pour la culture et l’action sociale », voit le jour et regroupe des membres de toutes les communautés maures, pulaar, soninké et wolof – hommes et femmes. Elle organise des rencontres et développe des programmes d’intégration, d’échanges et de proximité comme : la rencontre de la fraternité (des immersions intercommunautaires pour casser les préjugés) – la caravane de la fraternité (visite des villages à travers des caravanes médicales de communautés différentes).
Parallèlement, à ses activités au sein de l’association, l’Imam Sarr devenu un parfait bilingue, organise des conférences et des prêches dans les mosquées en français, mais aussi dans les langues nationales.
Abderrahmane Ahmed Salem, directeur de la Maison des Cinéastes, dit à son sujet : « Ce qui singularise l’Imam Sarr c’est que c’est un Imam jeune dans son cœur, dans sa manière de penser, d’approcher les gens, dans sa vision de la cohabitation, du vivre ensemble, de démarche, même dans son comportement. Pour moi, il est le symbole d’une énergie jeune, d’une énergie « imam tolérant », et surtout il est très accessible pour toutes les générations. »
Boubacar Ould Messaoud, Président de SOS esclave dit au sujet de l’Imam SARR : « L’imam Sarr est pour moi, la possibilité d’une véritable unité, une véritable amitié entre les différentes composantes de ce pays. (…) Vous savez, je me méfie beaucoup de tous ces discours creux d’unité nationale. (…) J’attends de voir des résultats concrets ( …) Je l’ai connu en prison avec ses amis islamistes (en 2003). Quand je l’ai vu, je me suis engagé pour le soutenir et depuis j’ai toujours trouvé en lui un grand ami. C’est quelqu’un de très disponible : nous avions voyagé à la Mecque ensemble pour le pèlerinage en 2005 et il m’a beaucoup appris. »
Selon le Président de SOS esclave, l’imam Sarr est empêché par les pouvoirs publics de réaliser la plupart de ses activités. A titre d’exemple, il cite une agence d’organisation du pèlerinage créée par l’Imam et ses amis des différentes communautés, qui n’arrive pas à obtenir une autorisation. Alors qu’ils sont pratiquement les seuls à apporter un véritable soutien pratique aux africains, généralement, ignorés à la Mecque.
Sa belle-mère, Yaye Ndaw Coulibaly, pharmacienne et sénatrice Tawassoul et membre de l’association Main dans la Main, témoigne : «L’Imam Sarr est un exemple de fraternité, de bonté, de disponibilité et de partage. Un exemple à suivre aussi en tant que Citoyen. Il travaille beaucoup pour qu’il y ait la paix, la paix des cœurs, des esprits, en fait tout ce qui est nécessaire pour bâtir sur du solide, pour bâtir un socle durable. La paix pour réussir ici-bas et dans l’au-delà. Pour résumer, l’histoire de l’Imam Sarr est une histoire de cœur, une histoire qui continue».