Ahmed Weld Abdeouahab, étudiant en troisième année à la faculté des sciences et de la technologie, raconte comment il a raté un examen parce qu'il n'a pas trouvé un moyen de transport: "j'ai parcouru une longue distance à pieds avant qu'une voiture d'une société privée me rapproche du lieu un peu en auto-stop. J'ai encore marché, fait de l'auto-stop puis remarché sur une distance d’un kilomètre. Je suis arrivé en retard d'une heure et quelques minutes, à cause du manque de bus pour le transport des étudiants".
Il a ajouté qu'il ne s'attendait pas à une telle souffrance. "Puisque le foyer n'est pas encore prêt, on nous présente des services médiocres dans le restaurant après avoir attendu durant des heures sous un soleil de plomb sur des files qui dépassent parfois mille étudiants. Quant à la situation des laboratoires et des équipements, elle est catastrophique. Certains critères pour l'obtention d'une bourse universitaire (entre 8500 et 11500 ouqiyas) sont considérés par des étudiants comme injustes", a-t-il indiqué, précisant que le transport représente le plus gros souci des étudiants. Plusieurs bus de transport universitaire sont en panne. Seulement 9 bus sont encore fonctionnels, alors que le nombre d'étudiants dépasse les 10 mille".
Ahmed n'est pas le seul étudiant à vivre une situation aussi difficile. Plusieurs de ses collègues partagent avec lui les mêmes conditions. A chacun son histoire et sa propre expérience.
"Nous souffrons de l'incapacité des salles du nouveau campus universitaire à nous accueillir. Nous sommes 240 étudiants et le campus ne dispose que de deux amphis qui accueillent les étudiants des trois premières années de la faculté de médecine. Nous n'avons pas une salle pour assister d'une manière régulière aux conférences", a confié Aicha Mohamed Lamine, une étudiante en classe préparatoire à la faculté de médecine.
Elle ajoute: "Nous faisons face à de nombreux problèmes lors des conférences. La salle où j'étudie accueille 120 étudiants et ne dispose ni de micro ni de haut-parleurs, sans parler des problèmes de transport. Il n'y a pas assez de bus pour transporter les milliers d'étudiants. Je perçois quotidiennement des centaines d'étudiants, en longues files, attendant un bus qui ne peut accueillir que 50 étudiants pour enfin s'entasser dedans".
Concernant les services du restaurant, Aicha a mis l'accent sur la longue distance (un kilomètre) que les étudiants doivent parcourir quotidiennement, dans les deux sens, le séparant du campus universitaire.
Quand à A.Y, un étudiant à la faculté des sciences et de la technologie, il estime que "la situation est difficile. Je dois attendre, pendant des heures sur la route principale, un vieux bus surpeuplé. Je rentre chez moi fatigué et incapable de réviser, ce qui aura des répercussions négatives sur mes résultats".
De son côté, Mohamed Lamine Abat, étudiant en deuxième année à la faculté de médecine, trouve que le nouveau campus universitaire est lointain, outre les conditions difficiles de transport: "l'étudiant doit consacrer deux, voire trois heures pour le transport. Ma famille a donc décidé de déménager dans la région de "Tafregh Zina" à partir de l'année prochaine pour être plus proche de l'université. Je crois que ma famille n'est pas la seule à prendre une telle décision".
A la lumière de cette situation, nous avons tenté de recueillir l'avis du ministère et de la direction du nouveau campus universitaire, en vain. Une enseignante universitaire qui a préféré garder l'anonymat a enfin accepté de nous raconter la réalité du campus: "les cours et les conférences ont commencé avec un mois de retard à la faculté des lettres. Je crois que ce semestre ne vaut plus rien. Les étudiants n'ont reçu que peu de cours et les examens sont proches. Ce sont eux qui paieront la facture".
"Il est impératif de classifier les priorités au nouveau campus universitaire et fournir aux étudiants les besoins les plus importants à l'instar des bibliothèques et du transport en renforçant le parc de bus universitaires", a-t-elle dit.
La professeure conférencier a également fait savoir que quelques étudiantes ont quitté le nouveau campus universitaire à cause de son éloignement et cherché d'autres spécialités dans la capitale. Les familles ne sont pas capables de couvrir les coûts du transport en taxi. Les répercussions négatives de la réalité des choses sont ressenties plus lourdement par les catégories fragiles et les étudiantes. Nombre d'étudiants sont arrivés de villages lointains à Nouakchott pour étudier. Ils habitent actuellement chez des proches dans des conditions précaires. "Que peuvent-ils faire face à cette crise de transport, s'est-elle interrogée.
Elle estime que l'université aurait dû assurer le foyer et les bibliothèques pour les étudiants venus de l'intérieur du pays avant d'inaugurer le campus, en octroyant la priorité au foyer universitaire aux étudiantes qui ne peuvent pas résister longtemps à la situation actuelle difficile.
Regrettant la non-inauguration de la bibliothèque jusqu'à aujourd'hui, elle a déclaré: "Nous, professeurs, nous sommes très embarrassés quand nous demandons aux étudiants de préparer des recherches alors que l'Etat ne leur a pas fourni les bibliothèques nécessaires pour y arriver. La construction d'un nouveau campus universitaire n'a plus de sens s'il ne contient aucune bibliothèque. C'est un paradoxe étonnant".
Cette situation a poussé les étudiants à organiser, quelques semaines auparavant, une série de protestations et de sit-in, revendiquant l'amélioration de leur condition et la fourniture d'un nombre suffisant de bus pour assurer leur transport. Selon leurs témoignages, la police les a réprimés, alors ils ont organisé un sit-in qui a duré deux semaines successives. Il s'est soldé par un accord entre les syndicats estudiantins et la direction du nouveau campus universitaire, stipulant l'amélioration des conditions et la promesse d'acheter de nouveaux bus dans les plus brefs délais.
Le secrétaire général de l'Union des étudiants nationalistes, Mohamed Salem Weld Mohamed Mahmoud estime que "le supplice des étudiants se poursuit puisque le ministère n'a fourni que 20 bus, dont trois destinés aux travailleurs. Le nombre de bus diminue d'un jour à l'autre à cause des pannes fréquentes. Les services ont régressé, notamment en ce qui concerne les bus et le restaurant qui accueille quotidiennement plus de deux milles étudiants alors que sa capacité d'accueil ne dépasse pas 200 personnes".
"Les étudiants ont décidé de boycotter les cours suite à une série d'activités organisée par l'Alliance des syndicats estudiantins. Ce boycott a été une réussite et a mis la pression sur l'université et les autorités. La police a tenté à maintes reprises de disperser les manifestants, mais la volonté des étudiants l'a emporté. L'alliance a organisé ensuite une marche en direction du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, réprimée violemment par les forces de police, engendrant des blessures graves chez quelques étudiants. Après deux semaines de suspension des cours, l'alliance s'est entretenue avec le directeur du Centre national des services universitaires qui s'est engagé à fournir 40 bus provisoirement. Les étudiants ont donc repris les cours en attendant l'amélioration de la situation", a affirmé le responsable syndical.