Il s’agit , en effet, de deux gays qui ont décidé de nouer une relation conjugale formellement interdite dans la République Islamique de Mauritanie où selon l’article 308 du code pénal de 1983 tout adulte musulman pris en flagrant délit d'« acte contre nature » avec un membre du même sexe est puni de mort par lapidation publique.
Ce fait divers si atypique soit-il, n’avait, en son temps, suscité aucune poursuite judiciaire. Au contraire, il avait été accueilli avec indifférence par un parquet aux abonnés absents.
Rien d’étonnant dira maître Sall, avocat inscrit au barreau mauritanien. « Plusieurs cas relevant de l’homosexualité ont été traduits devant la justice et quelques fois des peines ont été prononcées mais rarement exécutées. Il se trouvera toujours quelqu’un pour libérer les prévenus qui bénéficient, soit des non-lieux, soit se font relâcher grâce à des interventions de haut niveau» clame-t-il.
Alors est-ce à dire que l’homosexualité est tolérée en Mauritanie et qu’ici, les gays sont en terre de prédilection ?
Il n’en est rien, selon ce sociologue, professeur à l’Université de Nouakchott : « Au contraire, ces derniers ne jouissent d’aucune considération et sont victimes de marginalisation. Tout est fait pour que ces individus soient réduits au silence. La Mauritanie est l’unique pays au monde où saluer un homosexuel en lui tendant la main est considéré comme un péché » devait-il dire.
Ce que confirme Ould Bilal célèbre homo à Tidjikja (chef lieu de la province du Tagant) « Je suis né comme je suis et je l’assume. Ce sont les autres qui nous voient d’un mauvais œil. Je suis étonné qu’on fasse appel à moi comme cuisinier lors des cérémonies de baptême ou de mariage, qu’on se délecte des mets que je sers et juste après, qu’on m’insulte en me traitant de tous les noms d’oiseaux. Quelle hypocrisie !!! »
Cet avis est largement répandu en Mauritanie où les homosexuels suscitent dédain, peur et fascination. Ils sont méprisés pour leur comportement, craints à cause de leur langue fourchue, leurs propos acerbes et les secrets d’alcôve qu’ils détiennent, utiles et fascinants, (surtout pour la gente féminine), du fait des nombreux services qu’ils rendent.
En Mauritanie, les homosexuels (Gordiguene) font partie du décor. On les retrouve dans les cérémonies de mariage, de baptême, dans les lieux d’animation à l’occasion des campagnes électorales etc. Ils servent souvent de cuisiniers pour les familles nanties, mais également de facilitateurs (proxénètes) pour les amoureux en mal d’âme sœur.
Ces homosexuels se recrutent principalement dans trois composantes sociales : les beïdanes, les Hratines et les Wolof. On les trouve rarement dans les communautés Halpoular et Soninké.
Les Homos Wolofs excellent dans le chant, la danse et dans le commerce des produits de beauté. Leurs collègues Hratines s’occupent, le plus souvent, des travaux ménagers, la danse et la musique (joueurs de Tam-tam et d’ardine). Les homos issus de la communauté Beïdane sont connus pour être des champions de bonne compagnie (avec les femmes branchées surtout) pour racolage et proxénétisme.
Ces homosexuels se trouvent, le plus souvent, dans les grandes villes : Nouakchott (capitale politique) Nouadhibou (capitale économique), Kiffa (ville cosmopolite), Rosso (ville frontalière). A Nouakchott et Nouadhibou certains parmi eux se livrent au commerce du sexe dans des lieux tenus secrets. D’ailleurs dans ces grandes villes mauritaniennes la plupart des Gordiguenes sont utilisés comme indics dans des affaires de drogue et de prostitution.
Il n’y a pas longtemps, des homosexuels mauritaniens (notre photo) ont adopté la mode du sac à main féminin, actuellement en vogue au Sénégal. Si dans ce pays voisin, cette nouvelle mode a provoqué une levée de boucliers, en Mauritanie, il n’en est rien.
Selon une source proche du Secrétariat National Exécutif de Lutte Contre le Sida (SENLCS) la Mauritanie s’apprêterait à demander plus de 11 millions de dollars au fond Mondial pour financer de nouveaux programmes de lutte contre le sida en 2015-2017. Mais pour être éligible, le Fonds exigerait que les groupes à risque comme les HSH (les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) soient consultés afin de définir les priorités de la lutte contre la maladie.
Condition que la Mauritanie ne saurait satisfaire vu la volonté manifeste de maintenir cette catégorie sociale dans l’ombre. « Avec ou sans fonds, il n’y aura jamais une reconnaissance juridique des homosexuels. Ce n’est pas négociable dans un pays islamique » martèle Fatimata Ball une mauritanienne qui témoigne à visage découvert de sa séropositivité.
Dans le Nouakchott des années 80, il y avait des gays à foison, surtout dans les populeux quartiers de Sebkha et d’El Mina. Ce sont eux qui animaient les célèbres soirées de Jaguar (une célèbre danse autrefois en vogue). « Je m’en souviens comme si c’était aujourd’hui. De célèbres Gordjiguenes aux surnoms connus de tous : Mitin shakarboorty, Michel, Lala Kahle, Souleymane Dicko, Mams étaient des attractions aussi bien au niveau des salles de cinéma (El Mouna, Lansar, El Feth, El Mina) que pour des cérémonies de Tbal (Tam-tam). Tous ont disparu, certains parmi eux victimes de règlement de compte et d’autres (la grande majorité) emportés par les MST » précise ce pair éducateur qui pense que faute de consultation et du fait de l’omerta qui entoure leur existence, ces gays, il ne pouvait en être autrement.
Dr Sidina Ould Abdy de la clinique El Khair, située dans le populeux quartier de Sebkha (Nouakchott) est de cet avis. Selon lui, ces homosexuels ont été victimes de leur « invisibilité ». C’est un groupe qui n’a aucune existence juridique donc aucun droit à la prise en charge. Dr Sidina incrimine également les pratiques de dépigmentation faites à base de produits chimiques très nocifs pour la santé.
« Les homosexuels en Mauritanie et partout ailleurs, sont connus pour être des inconditionnels de la dépigmentation (Khessal). « Les produits utilisés sont dangereux, ils sont à l’origine des plaies, des dermatoses et des cancers de peau. Il n’est pas exclu que ces maladies soient également la cause de plusieurs décès dans le milieu gay en Mauritanie » devait- il conclure.
Formellement interdite en Mauritanie l’homosexualité n’en demeure pas moins pratiquée au grand jour dans ce pays musulman à 100%, où règne une « tolérance » qui, en réalité, s’apparente plus à un mépris qu’à une ouverture d’esprit. Ici des scènes d’homophobie observées dans le Sénégal voisin n’ont pas pignon sur rue et des poursuites judiciaires au nom du penchant gay n’y ont été intentées que de très rarement.
Seulement, l’on n’est pas loin de la radicalisation surtout avec l’apparition de groupes Salafistes qui n’hésiteront pas à sévir face à des comportements homosexuels, de plus en plus, osés (mariages gays, apparition du phénomène jusqu’ici inconnus tels que : le lesbianisme et le travestisme).