C’est d’ailleurs ce qui a poussé les autorités mauritaniennes de tutelle à redoubler d’effort afin d’améliorer la capacité d’accueil de l’établissement pour qu’il puisse répondre à la demande sans cesse grandissante venant des différentes régions et qu’il puisse également porter assistance aux victimes des accidents de la route qui fauchent chaque année l’âme de dizaines de Mauritaniens.
Le centre médical d’Aleg a généreusement été pourvu d’un escadron de médecins étrangers à qui le ministère de tutelle avait fait appel pour combler le manque constaté au niveau du personnel dans le domaine de la santé et à qui il avait attribué des primes et des privilèges spéciaux dont leurs collègues mauritaniens ne bénéficient pas. Cela s’est fait lorsque la fréquentation des cliniques privées a augmenté dans la ville et qu’on a vu affluer les patients vers le centre médical du Cheikh Hamad dans la ville de Boutelmit, à 110 kilomètres vers le sud.
Meymouna Mint Sidi Ahmed, une des habitantes de la circonscription de Magtaâ Lahjar dans le nord de la province affirme que, s’étant fracturé les membres lors d’un accident de la voie publique qu’elle avait fait il y a trois ans sur la Route de l’Espoir, elle avait été soignée au centre médical d’Aleg mais qu’elle n’avait pas pu guérir tout-à-fait. Ayant gardé des tuméfactions qui lui causaient parfois des douleurs aigües, elle s’est trouvée obligée d’aller consulter un chirurgien travaillant dans l’hôpital du Cheikh Hamad dans la ville de Boutelmit et c’est là qu’on a découvert finalement que certaines de ses fractures n’avaient pas été plâtrées convenablement.
Yeslem Ouelt Jeddou habite, quant à lui, dans la banlieue sud d’Aleg. Il dit avoir pris l’habitude de se faire soigner au Centre depuis le temps où c’était encore un hôpital régional et avant même qu’il ne soit transformé en centre médical. Il explique d’ailleurs qu’il n’y a que l’appellation qui ait changé et que l’amélioration survenue au niveau des services demeure fort limitée en comparaison avec les établissements de la même catégorie dans certaines autres provinces. En effet, les traitements se bornent à des soins de première urgence, tandis que les actes chirurgicaux relèvent d’une prise de risque totale pour les patients, comme en témoigne d’ailleurs très bien, d’après lui, l’incendie survenu il y a quelque temps au bloc opératoire pendant une césarienne.
Des chiffres et des données non officielles indiquent que, durant la seule période du premier semestre de l’année dernière, près d’une vingtaine de personnes sont décédées dans le Centre après avoir subi des opérations effectuées par un chirurgien étranger, le tout strictement passé sous silence… Mais la goutte qui a fait déborder le vase et éclater le scandale au grand jour, c’était le décès, dans les mêmes circonstances, d’une femme proche d’un haut responsable mauritanien. Le directeur du centre ainsi que le médecin chirurgien ont donc été licenciés.
Par ailleurs, des photos ont fuité de l’intérieur du bloc opératoire montrant des scènes terrifiantes de sang éclaboussant les lits, le linge et de larges surfaces des lieux, ainsi que des instruments chirurgicaux éparpillés ça et là en désordre.
Lors d’une réunion tenue par le gouverneur de la province avec l’administration du Centre et certains de ses ouvriers, le Docteur Ladib Ouelt Hmada a adressé de vives critiques aux médecins étrangers, arguant que les patients qui ont subi des actes chirurgicaux dans le Centre sont, pour la plupart, décédés et qu’à la base déjà, les contrats qui ont été établis avec ces étrangers ont été faits dans des circonstances obscures, à l’insu des médecins du pays et sans nulle vérification de leurs diplômes, en plus du fait qu’ils aient reçu des privilèges considérables ayant beaucoup porté préjudice au staff national.
Ouelt Hmada a également fait état de réalités choquantes au sujet du bloc opératoire du Centre, assurant qu’il s’agit d’une situation véritablement tragique et que la vie des patients qui s’y font soigner s’expose, dans de telles circonstances, à des risques considérables. C’est ce que le gouverneur a promis de vérifier avant de mettre fin à la moindre négligence et à tout laxisme constatés.
Cependant, l’apparition au pays de cas de fièvre hémorragique épidémique a encore aggravé la crise vécue par le Centre, d’autant que la plupart des victimes avaient fréquenté régulièrement l’établissement. Et malgré l’omerta imposée sur le nombre exact de ces cas, sur leur degré de gravité et sur les régions dont ils proviennent, cette épidémie a remis en cause la crédibilité du Centre et relancé le débat sur la détérioration de la qualité des services qu’il est supposé présenter aux malades.
D’ailleurs, lors d’un point de presse, Ouelt Ekhlihen, directeur des services de santé, a abordé le sujet des médecins contractuels en affirmant que le tableau brossé du bloc opératoire était bien sombre et trop exagéré et que le rendement des médecins étrangers est soumis au contrôle.
Ouelt Ekhlihen a par ailleurs confié que le Ministère de tutelle a proposé un contrat de travail à un autre chirurgien étranger mais que les aptitudes et l’expérience de ce dernier ont poussé l’administration à s’y opposer et à exiger qu’un autre médecin contractuel soit trouvé. Ces déclarations ont d’ailleurs été interprétées par certains comme la confirmation des propos d qui mettent en doute les compétences des médecins contractuels étrangers.