La tribu négroïde des Macinas y cohabite avec les Chorvas descendants du vénérable Cherif Abdel Moumine fondateur de Tichit.
Jadis carrefour commercial, cette cité historique a eu son heure de gloire au huitième siècle à travers son rayonnement culturel et la qualité de vie de ses habitants qui comptaient parmi les plus aisés en cette période. Ces derniers se procuraient l’essentiel de leurs besoins grâce aux échanges qu’ils effectuaient avec les riches négociants venus du Maghreb.
Mais du fait de l’enclavement, de la sécheresse et la rareté des ressources naturelles, cette ville longtemps négligée par les pouvoirs publics et par ses propres fils, n’est plus aujourd’hui que l’ombre d’elle-même.
« Je me nomme Mohamed Ould Mbay je suis aveugle de naissance. J’éprouve toutes les peines du monde à subvenir aux besoins de ma famille. Ma seule source de revenu c’est une palmeraie qui n’en est plus une, à cause de la rareté des eaux et de l’ensablement. Ici nous vivons difficilement mais Allah est Clément et Miséricordieux. Il y a quatre ans nous avons nourri l’espoir de voir notre quotidien s’améliorer grâce au festival des villes anciennes dont on nous disait qu’il allait avoir des répercussions positives tant sur le plan socioculturel que sur le plan économique. Malheureusement ce festival a plutôt contribué à nous appauvrir davantage. Les commerçants de Tichit ont saisi l’occasion de l’arrivée massive des festivaliers pour faire monter les prix qui depuis lors ne sont pas redescendus » indique-t-il avant de rajouter « Je prie Allah pour que Tichit retrouve son lustre d’antan. Ici on ne manquait de rien, on vivait dans l’opulence ».
Cette complainte du vieux aveugle en dit long sur la détérioration progressive des conditions de vie des populations de Tichit qui croupissent dans la pauvreté et la misère.
Sadah Ould Badeya maître-maçon et Mohamed oud Daoud, Muezzin de la grande mosquée de Tichit et maçon à ses heures, ne nourrissent plus les mêmes égards vis-à-vis de leur métier qui ne leur rapporte plus grand-chose.
« Je reste plus d’un mois sans que quelqu’un me sollicite. Les rares personnes qui me contactent c’est, très souvent, pour des travaux de réfection de vieilles bâtisses et même dans ce cas le payement est soit minime soit très étalé dans le temps. On avait fondé l’espoir que l’appui de l’UNESCO (20.000.000UM) pour les maçons et les tailleurs de pierre de Tichit allait nous aider mais c’est tout le contraire. Ce montant, dit-on, a été détourné. En tout cas il n’a jamais atterri entre les mains des réels bénéficiaires » indique Ould Badeya.
Précarité et vie difficile, les exploitants de la Sebkha de Tichit en savent eux-aussi quelque chose. « Jamais de mémoire de Tichitois nous n’avons connu une pareille situation. La pauvreté étale ses tentacules et gagne de plus en plus de terrain. L’exploitation de l’Imersad (sel pour consommation animale) ne nourrit plus son homme. Les taxes imposées par la commune sont lourdes et l’écoulement du produit ne rapporte plus comme avant » déclare Cheikhna Ould Sidi Mbay exploitant du sel de la sebkha de Tichit.
Les artisans sont également embarqués dans la même galère, ils n’arrivent plus à écouler leurs produits et se retrouvent en situation de cessation d’activités.
« Nous ne fabriquons plus de produits artisanaux, faute de moyens. La matière première et les matériaux de base (peau, fer, petit outillage ect) nous font défaut.
Au début avec l’arrivée massive des touristes surtout lors du Rallye Paris-Dakar, on parvenait facilement à écouler nos produits mais plus maintenant. Nous souhaitons vivement que ce Rallye revienne en Mauritanie pour que nous puissions relancer nos activités », clame Mariem Vall l’air dépité.
Aussi, du fait de la rareté des eaux (Tichit a connu plus de deux décennies de déficit pluviométrique) les activités agropastorales sont devenues quasi-impossibles. Nombre de paysans phoénicicoles ont déserté Tichit pour aller se réfugier soit à Tidjikja soit à Nouakchott. A Tidjikja le quartier El Qhadima est peuplé de populations originaires de Tichit chassées par la pauvreté et la misère.
C’est également le cas des éleveurs de la tribu Ladem et les chasseurs Nemadis qui faute de pâturages et de gibiers se retrouvent à Nouakchott comme vigile, gardien d’immeuble, vendeur de carte de recharge mais aussi comme mendiants.
Tichit berceau d’une riche culture arabo-africaine dont les traces sont encore vivaces (des dizaines de milliers de manuscrits, une architecture typique et des modes culturels uniques : chants et danses négroïdes, chants liturgiques), apparait aujourd’hui sous le visage hideux de la misère et la précarité. Bourgade très enclavée (elle se trouve à plus de 200 Km de Tidjikja sur l’une des routes les plus accidentées de la Mauritanie) Tichit est en train de subir de plein fouet les effets néfastes de la sécheresse conjuguée à la négligence de l’administration mauritanienne.