Avec sa charrette à motricité humaine, Mohomodou Traoré vient de récupérer le linge sale de la grande famille Traoré. Direction, les berges du fleuve Niger où il retrouve ses collègues de travail, déjà la main au savon. Dispersés en groupes de trois, quatre ou plus, ils sont plus d’une centaine de jeunes majoritairement venus du nord du Mali pour travailler comme blanchisseurs à Bamako, la capitale.
Torse nue, pantalon mouillé et collant, il se met aussitôt à la tâche. Une moquette, un couvre lit et un matelas superposés, tous aussi sales les uns que les autres. Mohomodou s’arme donc d’une éponge bien moussée. Ce métier de blanchisseur, il l’exerce depuis près de quatre ans.
Venu de Niafounké à Tombouctou au nord du Mali, c’est le seul boulot qu’il a pu trouver pour subvenir aux besoins des siens. « J’ai en charge ma femme mes quatre enfants et ma mère, restés au village,» indique-t-il, s’acharnant sur un vieux matelas très sale. Le jeune homme de 26 ans explique que les prix de ses services varient entre deux et cinq mille francs cfa.
A sa droite Abdramane Traoré 24 ans, short blanc, culotte verte, versant de l’eau sur son linge, s’insurge contre ces prix. « Nous quittons nos proches pour venir chercher de l’argent. Moi je viens de Goundam (Tombouctou). On passe toute la journée ici au bord du fleuve à laver ces linges plus sales les uns que les autres pour finir avec cinq mille francs la journée au plus. »
Braquages à main armée, enlèvements de voitures, attaques des véhicules de transport particulière sur l’axe Tombouctou-Goundam, sont très fréquents ces dernières années. Le 4 juin dernier les véhicules d’un convoi médical ont été incendiés sur la route de Banabara- Moudé en région de Tombouctou.
Selon Ousmane Traoré, 26 ans, natif de Horo, village de la commune de Tonka à Tombouctou, ces attaques répétitives les empêchent de mener tout acte lucratif dans leurs localités. « Il y a les peaux rouges ‘’Touaregs’’ qui nous prennent tout ce que nous possédons comme bien. Si tu achètes une moto tu ne peux pas circuler dessus. Même les ânes ils nous les prennent. Nous sommes donc obligés de venir ici pour trouver de quoi faire vivre nos familles, » s’indigne-t-il.
A ce problème d’insécurité s’ajoute la sécheresse qui frappe ces localités depuis 4 ans. « Sans eau, nous ne pouvons pas cultiver chez nous. Et même si nous cultivons les récoltes sont mauvaises. Avec deux ou trois sacs aucune famille ne pourra tenir même deux mois, » explique, Soumayla Keita, 43 ans, teint bien foncé, en sueur. « Il faut que les autorités pensent à construire le barrage de Taoussa [un projet lancé par Amadou Toumani Touré en 2006 à Gao] pour que nous ayons de l’eau au nord,» propose Mohomodou Traoré.
Seulement sur les berges du fleuve à Magnambougou (quartier de Bamako), ils sont près de deux cents à venir laver les linges qu’ils ramassent chaque matin des familles. Cela prouve l’affluence des jeunes du nord du pays vers la capitale en quête de paix et de travail.