La terre fait désormais l’objet d’une véritable convoitise et le secteur foncier est au centre d’une véritable polémique. Les autorités maliennes sont obligés de se concerter avec tous les intervenants afin de trouver la bonne recette pour assainir la question foncière, à travers une approche concertée et consensuelle, pour éviter toute explosion sociale. Heureusement, dit le ministre malien des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, mohamed Ali Bathily, aujourd’hui, les paysans ne se résignent plus aux décisions des spéculateurs, impliqués avec des corrompus. « Les gens comprennent désormais la loi et créent des associations qui s’opposent aux spéculateurs et refusent la violation de la loi », dit le ministre.
Paradoxalement, c’est l’administration qui essaie de contourner les décisions du gouvernement. Le ministre Bathily raconte comment le ministère a porté des plaintes de manière régulière concernant des terres à Bamako mais ces plaintes n’évoluent pas. « Ceux qui s’occupent généralement des dossiers bloquent les plaintes en misant sur le fait qu’au Mali, les ministres ne durent pas à leurs postes », dit-il. Ces mafieux ne veulent pas comprendre, selon le ministre, que ce problème ne le concerne pas en tant que personne. L‘objectif de son département, c’est d’avoir un contrôle plus strict sur les actes posés par l’administration et d’organiser le registre foncier pour donner à chacun ses droits et éviter des mainmises irrégulières aux dépens des paysans.
Des dépassements existent un peu partout au Mali. A Sikasso, 375 kilomètres au sud-est de Bamako, un titre foncier a été créé sur tout le village de Laminbambala pour le donner à une société. Laminbambala est le village voisin au camp militaire de Sikasso qui est le dernier bâtiment administratif de la ville. Le village existe depuis des lustres avec ses champs, son école, etc. Le village suivant, situé à 3 km de Laminbambala, a également été donné comme titre foncier. Le présumé titulaire du titre foncier a donné six mois à la population pour libérer les lieux et s’installer à 10 km loin du goudron, sans dédommagement, ni rien.
Face à tout cela, les autorités demandent aux paysans de résister. La stratégie gouvernementale consiste d’abord, à restituer les terres à leurs propriétaires en menant les procès contre les faux documents qui les leur retirent. Pendant que ces procès sont en cours, les propriétaires des terres continueront à les exploiter. Ensuite, le gouvernement fait des campagnes de sensibilisation pour expliquer aux gens que la loi donne à la personne le droit de se défendre.
La terre appartient au paysan. C’est pourquoi le gouvernement conseille aux paysans, que si quelqu’un vient les agresser en mettant des bornes sur leurs terres sans enquête préalable, de les enlever puisque les bornes sont la marque de la spoliation des terrains. S’il fait un forage, le gouvernement dit aux paysans de le boucher parce qu’ils ont le droit de défendre leurs terres.
Cette gabegie montre que beaucoup de travail reste à faire au Mali dans la numérisation de la base de données du Système d’Information cadastrale. Les statistiques montrent certes que 76.429 titres fonciers se trouvent déjà dans la base de données du Registre foncier urbain (RFU). La numérisation d’environ 35 000 titres fonciers des Bureaux des Domaines et du Cadastre de Bamako et de Kati, est également en cours. Mais, la situation est encore confuse, concernant la validité des titres eux-mêmes.
Le ministre mohamed Ali Bathily raconte une histoire pour montrer à quel point la situation est confuse. « Quand j’étais ministre de la Justice, j’ai vu un Monsieur à la retraite dont la maison a fait l’objet d’un titre foncier par un escroc. Ce dernier, porteur du titre, a contracté un crédit de 180 millions de Fcfa (270.000 Euros) à la banque qu’il n’a jamais remboursé. Un jour, des huissiers de justice, les représentants légaux de la banque et des acquéreurs se présentent chez le propriétaire de la maison pour mettre à exécution l’hypothèque faite par l’escroc. C’est comme ça que le propriétaire a appris que sa maison avait fait l’objet d’un titre foncier et qu’elle est hypothéquée. Il a piqué une crise cardiaque et en est mort », dit le ministre attristé par ce qui est arrivé à ce citoyen paisible.
Les propriétaires maliens sont donc appelés à beaucoup de vigilance concernant leurs biens. Beaucoup de travail reste à faire, notamment en ce qui concerne les terres tribales. « Mais, au moins, le gouvernement nous aide à protéger nos propriétés », dit Yakouba, un habitant de Laminbambala, qui a cru à un certain moment, il y a deux ans, qu’il allait perdre son petit verger.