Agée de 65 ans, Hajja Fatima Dico est du village d’"Isfi", dans l’ouest de Tombouctou. Elle dit avoir « abandonné ses terres qu’elle avait pendant de longues années cultivées en y plantant du riz » et cela à cause du coût très élevé des semences, des engrais et des frais de production, ce qui rend les petits agriculteurs, avec leurs moyens insuffisants, incapables de faire face à autant de cherté.
Cette situation difficile s’est encore aggravée avec la crise politique traversée par le pays. « La guerre a tout détruit et nous n’avons plus rien à cultiver », déplore Hajja fatima avant d’ajouter : « J’ai quitté ma terre qui m’avait beaucoup apporté pour devenir une simple ouvrière dans une petite culture près de chez moi, où je récolte la production de tomates saisonnières ».
Jetant sur ses terres un regard rempli de douleur et de regrets, étouffant des sanglots qui lui montent à la gorge, la vieille dame ne trouve rien d’autre à dire et ne peut qu’espérer le retour du passé heureux pour voir sa terre reprendre vie à nouveau.
Des violations incessantes et des moyens bien limités
Dans le village d’Ighcher, à quelques dizaines de kilomètre de l’est de Tombouctou, Mohamed Ag Litni est un jeune agriculteur qui, dès son plus jeune âge, a hérité de ses aïeux le travail de la terre. Il ne peut que se plaindre de la situation difficile dans laquelle se retrouvent les siens depuis que les revenus de ses terres ne lui permettent plus de subvenir à leurs besoins.
Ag Litni raconte qu’au début de la crise, les attaques répétées des milices dispersées dans la région ont empêché les agriculteurs de continuer à cultiver leurs terres, du fait que les routes n’étaient plus sûres et que de multiples agressions étaient sans cesse perpétrées.
Et malgré le relatif changement de la situation et bien qu’il y ait moins d’attaques, les choses ne cessent d’empirer, ajoute Ag Litni. En effet, « depuis 2012, l’insuffisance des moyens financiers, le fait que la terre soit restée trop longtemps sans culture ni labour, la fermeture du solaire qui faisait fonctionner les puits, ainsi que la régression des mouvements commerciaux à cause de la pauvreté généralisée… tout cela ne fait qu’approfondir la crise », explique-t-il.
Projets de réhabilitation des terres agricoles
Pour sa part, le directeur adjoint des ressources naturelles au sein du Ministère de l’Agriculture à Tombouctou, Salem Cissé, pense que les souffrances des agriculteurs remontent à la période, pourtant brève, pendant laquelle les mouvements radicaux ont pris le contrôle de la région et ont réduit à l’extrême la liberté de mouvement en faisant subir à la population toutes sortes de violences.
Cissé assure qu’il existe plusieurs projets menés par le Ministère de l’Agriculture et financés pas les organisations internationales dans le but de réhabiliter les terrains agricoles dans les régions désertées par la population. C’est ainsi par exemple que des stations d’énergie solaire servant à faire fonctionner les puits de nouveau sont en cours d’installation et que les engrais agricoles sont mis à la disponibilité des agriculteurs, en plus de nombreuses procédures visant à aider les agriculteurs et à leur faciliter l’accès à leurs terres.
Et tout en reconnaissant que le gouvernement a été totalement absent dans certaines zones du nord pendant la crise, ce qui a approfondi les souffrances de la population, Cissé se veut cependant rassurant en affirmant qu’il « commence à mobiliser les moyens dont il dispose pour remettre sur pied l’agriculture dans ces régions, même si les conditions sécuritaires n’y sont pas totalement rétablies ».
Houcine Ag Issa