« Nous jouons un grand rôle dans l’économie malienne et ça la mairie et le gouvernement le savent très bien ! » souligne Adama Sanogo, spécialisé dans la récupération des objets provenant des décharges des différents entrepôts d’ordures des 6 communes de Bamako, la capitale malienne.
Adama Sanogo est connu comme étant l’un des plus grands acheteurs des objets récupérés dans les décharges de la place. Il a une boutique au grand marché de Bamako où il stocke ses marchandises. Au moment où nous nous trouvions sur place, M.Sanogo, comme à ses habitudes, était en pourparler avec ses clients, des femmes pour la plupart qui fouillent les ordures pour y trouver : des plastiques, des sachets, des bouteilles d’eau utilisées, des boîtes de conserves, des chaussures ou tissus usés, bref parmi les trouvailles, on y voit des objets de tout genre. Objets inutiles pour certains, véritables trésors pour d’autres.
En effet, à quelques mètres de la grande décharge d’ordure de la commune IV de Bamako face à un cimetière, s’est installée une véritable cité. Sous des tentes improvisées, des hommes et des femmes se sont installés à côté de cette grande décharge d’ordure à l’allure d’une grande montagne. Ils ont élu domicile à côté de leur occupation quotidienne qui leur rapporte de quoi survivre financièrement.
Ils sont désormais nombreux à cette partie de la ville. Ils passent leur temps à fouiller les ordures, arranger les trouvailles et discuter avec les acheteurs. Un métier qui rapporte aux dires de certains comme le témoigne Bouba Fané, un jeune d’une trentaine d’année rencontré sur place dans la grande cour du dépôt à moitié croulé sous le poids des ordures.
« Je fais ce travail depuis bientôt six ans, dieu merci, j’y trouve mon compte. Je récupère de la ferraille et je peux gagner de mes ventes 6000FCFA à 8000FCFA par semaine ou plus c’est une question de chance. Même si certains passants nous méprisent parce qu’on fouille les ordures, moi je suis fier de gagner ma vie honnêtement ainsi », a-t-il déclaré en souriant. Une opinion partagée par Ba Awa Bakayoko, la doyenne des riverains de ladite décharge. Cette dame est désignée comme la propriétaire des lieux parce que c’est elle qui loue le terrain de leur habitation et par ailleurs, elle emploie bon nombre de personnes rencontrées sur place.
D’une humeur joviale, Ba Awa Bakayogo semble très fière de son « industrie » et c’est avec un plaisir affiché qu’elle nous a fait faire un petit tour de son univers. Sous les tentes, on découvre classés dans des filets des piles de bouteilles ; des chaussures usées etc , le tout sous l’œil vigilant des occupants des lieux.
Au milieu de ce monde, on aperçoit une mère allaitant son bébé, une dame faisant la cuisine à côté du grand bruit des décharges et des acheteurs en train de discuter avec les « fouilleurs de poubelles ».
La doyenne des lieux ne veut pas divulguer son gain, « Je m’en sors pas mal, je loue cette partie. J’ai également sur place quelques employés que je paye 1000f FCA/ mois. Ils se chargent de ramasser des bouteilles et des plastiques dans les ordures pour moi, ils sont à ma charge, je les nourris et paye leurs loyers à la fin du mois à raison de 10000F CFA la chambre. », s’est -elle contentée de dire.
Par ailleurs, Satan Traoré, veuve et mère de 6 enfants ne semble pas satisfaite de sa situation. « On a quitté notre famille pour venir chercher notre pitance dans les décharges des poubelles, nous sommes des veuves et nous n’avons personne pour nourrir nos enfants. Nous venons chercher des bouteilles dans les tas d’ordures que nous conservons dans les moustiquaires. On peut gagner par jour 1000F CFA ou 15000f CFA mais ce gain n’est pas régulier. En revendant les objets récupérés nous pouvons payer nos loyers, je loue une chambre à 10000F CFA par mois, avec le reste je peux m’acheter par jour un demi kilo de riz pour en faire une bouillie pour mes enfants », s’explique- t-elle.
Et pour Fanta Kéita, une dame d’une quarantaine d’année, la fouille des poubelles lui permet juste d’assurer son repas. « Chaque jour, je me réveille à l’aube pour venir à la décharge et ramasser le maximum de plastiques que je vends à 100FCFA le kilo», a-t-elle indiqué.
De l’autre côté des murs de la grande cour de la décharge, des hommes ramassent des chaussures et sacs provenant du dépôt d’ordure. Ils déclarent les revendre à 10f CFA la chaussure ; 125F CFA le kilogramme. Ces chaussures et sacs sont ensuite rachetés par des cordonniers qui les réparent pour les revendre au marché.
En somme une véritable industrie s’est installée autour du dépôt d’ordure de la commune IV du district de Bamako. Si ces usagers déclarent qu’ils contribuent indéniablement à la croissance économique malienne avec de nouvelles créations d’emplois et d’exportations des ferrailles, il reste à mesurer les conséquences sanitaires pour ces riverains et leurs voisins qui pataugent dans les ordures et eaux usées et inhalent au quotidien la fumée provenant des déchets.