La contrebande est une fraude douanière consistant dans l'importation ou à l'exportation de toutes marchandises en dehors des bureaux de douanes. Le code des douanes du Mali la définit comme un acte, une abstention ou une omission qui viole les lois et les règlements douaniers et qui est puni conformément à la disposition du présent code (article 256).
Des produits de premières nécessités riz, farine de blé, lait, huile, thé, carburants, cigarettes, stupéfiants, drogue, produits pharmaceutiques, armes et munitions, rien n'échappe aux réseaux de la contrebande. De jours comme de nuits, ce sont des dizaines de camion qui font leur décharge à Bandiagara sous le regard des habitants et des autorités.
Des grands commerçants aux petits détaillants chacun y cherche son compte. Produits bon marché et facilement accessibles, ils font le bonheur de la classe moyenne à bourse faible.
Comme dans la plupart du reste des régions du Mali, ces derniers temps la crise du nord a engendré une porosité des frontières. De même, le chômage des jeunes et la cherté de la vie ont doublé depuis 2012. Cette situation oblige, les jeunes à des stratagèmes pour accroitre leurs revenus.
Aldiouma Dolo est un commerçant de 28 ans. Le jeune homme vendait des bonbons et des biscuits.
Les produits de la contrebande lui ont permis de développer ses activités et d'accroitre ses revenus reconnaissant toutefois son opposition à la libre circulation des armes et de la drogue.
« Le recours à la commercialisation des produits de contrebande s’explique par la marginalisation économique, le manque de ressources et le chômage des jeunes », explique un sociologue du département de l'action sociale de Bandiagara.
Selon notre source, cette activité a pris de l’ampleur ces derniers temps dans toute la province. « Il n'est pas rare aujourd'hui, de recontrer des enseignants, des guides, et même des agents de la sécurité exercer de telles activités pour augmenter leurs revenus », a-t-il ajouté.
Même si certains soutiennent, le réseau du trafic sous prétexte de la pauvreté, l'inquiétude et la peur se lisent sur d'autres visages.
Hawa Guindo est une mère de famille âgée de 30 ans. Elle affirme qu’elle a peur d’acheter des produits avariés.
De son côté, Balla Cissé, une maman, affirme que la cérémonie du baptême de son fils a failli passer au drame. « Les biscuits étaient tous périmés et avaient un goût très amer », avoue-t-elle.
Dans cette province comme dans bien d'autres régions au Mali, plusieurs citoyens déplorent l’absence de contrôle.
« Les commerçants qui vendent des produits de contrebande sont bien connus par les habitants et même les autorités qui n'osent pas les arrêter », selon certains témoignages.
« Ce qui est plus grave, c’est que des produits pharmaceutiques aux origines inconnues et sans dates de péremption sont vendus aux consommateurs et mettent leurs vies en danger », s'insurge un enseignant du primaire.
« La plupart des maladies Gastriques sont causées par ces médicaments « poison » », indique un médecin.
« J'ai passé deux jours à l'hôpital après avoir utilisé une patte à dentifrice de très mauvaise qualité », témoigne un habitant. Le commerçant interpellé à la police n'a jamais voulu s'expliquer sur la provenance du produit contrefait, ajoute-t-il désespéré.
En vente dans les boutiques, souvent à même le sol dans la rue, les médicaments contrefaits sont très prisés par la classe moyenne. Pis certaines pharmacie s'y ravitaillent pour se faire un gain.
Ce vaste réseau de trafic de marchandises facilite la libre circulation des stupéfiants. Les produits prohibés sont dissimulés dans les autres marchandises de contrebande. Dans la province de Bandiagara, deux jeunes sur dix ont déjà eu recours au chanvre indien, selon un spécialiste du CRMT (Centre de Recherche en Médecine Traditionnelle) de Bandiagara. Appelé sous plusieurs noms (tchou, zogo), « ce produit tue la jeunesse de Bandiagara », nous explique le spécialiste du CRMT. Sous l'effet de la drogue beaucoup ont connu des troubles pyschiques et demeurent des rejetons de leurs familles.
« A vous dire la vérité, j'ai peur de ce qui se passe à Bandiagara », s'exclame Moussa Tolo un enseignant à la retraite. Les jeunes sont capables de tout pour de l'argent, ajoute t-il. Il y a juste deux ans, nous explique-t-il, des jeunes commerçants avaient été saisi en plein délit de crime sur un enfant de dix ans.
De leur côté, les marchands, qui excercent cette activité illégale ne semblent pas inquiets du danger qui découle de leur métier. Avec un regard intrépide, un jeune homme âgé 20 ans, attend impatiemment son trousseau de marchandise en provenance de Douentza. Il s'abstient de nous décliner son identité pour des raisons de sécurité. « Les autorités sont responsables de ce qui passe dans la région de Mopti », souligne-t-il. Les jeunes n'ont plus rien à faire que d'exercer le métier du trafic, parce que ça rapporte beaucoup, ajoute-t-il.
Selon plusieurs témoignages, l'inertie des autorités de la douane face au problème est le résultat des pots de vin et petits cadeaux qui leur sont offert par les marchands.
« A chaque voyage, nous payons 300000 cfa au chef de poste pour acheminer le carburant à Bandiagara », affirme Ousmane Napo, un trafiquant.
Les moyens de contrôle étant limités et faibles, les douaniers frontaliers ont du mal à faire face au trafic de contrebande.
Le danger des armes à feu coupe le sommeil des habitants et ralentit la croissance économique. Fin avril, rappelle-t-on, à 18 km de Bandiagara, la localité de kanikombolé a été la cible d'une attaque de minibus des forains qui venaient de la foire de Koro. Un exemple parmi tant d'autres. Les bandits disposaient des armes de guerre ce qui a semé la peur et la panique chez les habitants.
Les pertes de recettes au cordon douanier au Mali sont estimées à environ 8 milliards de fcfa dont 6 milliards de fcfa sur les cigarettes et 1 milliard sur les autres produits, selon la direction régionale de la douane de Mopti.
La contrebande ainsi que tout acte d'importation ou d'exportation sans déclaration est pénalisé au Mali et passible de la confiscation des marchandises litigieuses et d'une amende de 100 000cfa.
Difficile cependant de verrouiller les frontières aux contrebandiers.
La bande sahelo-saharienne à toujours été une plaque tournante de la contrebande et du trafic de tout genre. Ainsi, l'insécurité grandissante face à la menace terroriste amplifie chaque jour le fossé des trafiquants que les autorités peinent à combler.