Officiels de Bamako, cellule CIMIC de la MINUSMA et différentes ONG internationales se sont succédés depuis début 2014 à Gao et y ont tenu plusieurs réunions pour promettre l’amélioration de la sécurité des populations locales, des programmes de développement et des activités de cohésion sociale. Toutefois, à part des consultations médicales assurées par l’équipe onusienne de la CIMIC, qui a également restauré une vingtaine d’écoles, la population de la septième région administrative du Mali n’a rien perçu pour son progrès social.
Pour le jeune Djibrilla, 25 ans, originaire de la commune de Sonni Ali Ber, au Nord de Gao, les politiciens « ne font que mentir ». Djibrilla raconte comment il a dû rentrer du Niger en juin 2012, où il poursuivait des études supérieures en Gestion. Il était obligé de rentrer pour secourir sa famille parce que son père a été tué lors de la prise de la ville par les groupes armés extrémistes. Il était dans l’obligation d’assister sa mère et ses frères et sœurs parce qu’il est l’ainé de la famille.
Depuis 2014, Djibrilla ne cesse d’entendre diverses promesses d’officiels maliens et étrangers concernant la prise en charge de sa famille et de son retour aux études. « Votre père est un martyr de la nation et nous allons vous aider », lui a-t-on dit des dizaines de fois. « Ma famille survit aujourd’hui grâce à mon travail et celui du cadet de la famille dans un garage de mécanique-auto, un métier que j’ai appris à Niamey pour m’aider à subvenir aux charges de l’université », dit-il avec amertume.
Même son de cloche du côté d’Aissata, une jeune de 23 ans de la commune de Tilemsi à l’Est de Gao. Cette fille était étudiante à Bamako lorsque les incidents surgissent à Gao pendant l’été 2012. Ses parents ont dû fuir la région pour s’installer sur les bordures de la réserve d’Ansongo Menake, à la frontière avec le Niger. « La situation matérielle de ma famille ne leur permettait plus de m’envoyer à Bamako pour poursuivre mes études supérieures », se lamente Aissatta, qui a fait plusieurs tentatives pour obtenir une bourse, sans succès. « Plusieurs ONG m’ont promis de m’aider. Mais, je n’ai rien vu venir », regrette-t-elle.
Si ces deux jeunes étaient des étudiants et n’ont pu reprendre leurs études, le cas de Yaouba est différent. Ce jeune de 19 ans est natif du quartier Farandjireye de Gao. Il a quitté l’école à 12 ans pour rejoindre le commerce de son père, qui nécessite de l’aide, parce qu’il prenait de l’âge. Yakouba raconte la catastrophe subie par sa famille suite aux incidents de 2012. « Nous avons dû quitter la ville pour rejoindre des proches sur la rive droite du fleuve Niger. A notre retour, en 2014, notre maison et notre commerce étaient carrément en ruines. La maigre compensation reçue a suffi à peine pour réparer la maison. Mon père est décédé en 2015 des complications d’une infection qu’il a attrapée lors de la migration de la famille. Ma mère et mes petits frères mendient pour faire vivre la famille », dit-il les larmes aux yeux.
Inquiète face aux souffrances de ses frères et sœurs de Gao, la jeune Fatoumata, doctorante à Paris, et originaire du cercle d’Ansongo dans la région de Gao, insiste sur le fait qu’il ne suffit pas que l’on reproduise les slogans de l'Agenda 63 pour le développement en Afrique, qui parlent du potentiel qu'offrent les jeunes et les femmes ou que l’on insiste sur la nécessité de favoriser la participation et l’autonomisation des jeunes. « Il y a des millions d’Africains qui risquent de mourir de faim et des dizaines de milliers de jeunes, broyés par la misère, qui sont sujets à toutes les manipulations, dont le terrorisme », lance-t-elle avec amertume.
La jeunesse malienne fait l’objet de tous les risques.