« Nous ne sommes pas d’accord avec les autorités intérimaires. Ceux qui ont volé le pays ne peuvent pas revenir nous imposer leur loi », c’est en ces termes que Moussa B. Yoro, superviseur des Jeunes patrouilleurs de la ville de Gao, explique les motifs de leur marche du mardi 12 juillet dernier.
Ils étaient ce jour-là, des milliers de jeunes et de femmes à sortir dans les rues de Gao pour dire « Non » à la mise en place des autorités intérimaires, malgré l’interdiction de manifestation du gouverneur de la région. Ainsi, les forces de l’ordre et de sécurité ont essayé de disperser la foule sans succès.
Elles ont finalement tiré à balles réelles sur les manifestants. « J’ai vu de mes propres yeux les militaires tirer sur un jeune à la place de l’indépendance, » témoigne Aboubacar A. Touré, joint au téléphone.
Au total, trois personnes ont été tuées et trente-cinq blessés, selon une source hospitalière, à l’hôpital régional où ont été évacués les corps et les blessés.
Dans un communiqué publié le soir du 12 juillet, le gouvernement indique qu’une « enquête indépendante et impartiale » sera menée« pour faire toute la lumière sur ces regrettables événements ». Une délégation composée de quatre ministres, dont celui de l’Administration Territorial et celui chargé de la sécurité et de la protection civile, a été dépêchée à Gao.
Cela n’a pas empêché les jeunes de continuer leur lutte jusqu’au lendemain, mercredi 13 juillet où ils ont tenu un sit-in devant le gouvernorat.
«Gao ne tombera jamais. Qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige, nous défendrons Gao », brame Abdoul Nasser Idrissa, l’un des leaders associatifs des manifestants rassemblés devant le gouvernorat.
Ils demandent cette fois-ci la démission du gouverneur et de certains ministres, en plus de leurs revendications concernant les autorités intérimaires. « Nous demandons la démission de ces ministres (les deux cités plus haut) parce que ce sont eux qui ont tué nos frères hier. » explique Alousseyni Maïga, un manifestant en colère.
Ils ont toutefois accepté d’écouter la délégation avec laquelle ils ont trouvé un compromis. « La délégation gouvernementale ainsi que celle de la jeunesse de Gao se sont réjouies de l’atmosphère franche […] et des échanges. Les deux parties se sont engagées à tout mettre en œuvre pour le retour de la paix, de la quiétude et la sérénité dans la ville et la région de Gao, » lit-on dans un communiqué conjoint, signé le 13 juillet 2016.
A la sortie de la rencontre, les leaders des jeunes ont fait une restitution à leur base. Selon le porte-parole, Moussa B. Yoro, superviseur des Jeunes patrouilleurs. Les résultats se résument ainsi : « Les jeunes de Gao seront consultés pour la mise en place des autorités intérimaires dans la région. Une liste de jeunes résistants sera établie pour intégrer certains d’entre eux dans l’armée et d’autres dans divers secteurs professionnels outre le démarrage dans le plus bref délai des actions de développement de la région ».
C’est dans son annexe 1 que l’Accord prévoit, « la mise en place, le cas échéant et au plus tard trois mois après la signature de l’Accord, des autorités chargées de l’administration des communes, cercles et régions du Nord durant la période intérimaire. Leur désignation, compétences et modalités de leur fonctionnement seront fixées de manière consensuelle par les parties prenantes».
Ces revendications contre les Autorités intérimaires et la politique de DDR (désarmement démobilisation et réintégration) démontrent qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour vulgariser l’Accord et sensibiliser les populations à la nécessité de sa mise en œuvre.