Quotidiennement harcelés, les jeunes peulh fuient la tentation abandonnant souvent leurs familles et bétails. Depuis son annonce d'agir au nom du groupe terroriste Ansardine, le leader du FLM Amadou Kouffa multiplie les prêches de propagande jihadiste et renforce sa présence dans le centre du pays.
« Avec l'aide d'Allah, nos Moujahidines vont se multiplier et nous allons étendre notre domination dans le Macina », haranguait le public un adepte du mouvement à Dialoubé, une localité située à 65 km au nord de Sévaré.
« Nos jeunes sont harcelés chaque jour par les jihadistes qui les obligent à combattre de leur côté », s'indigne un responsable d'une association peul (Kaoural poulakou). Selon notre interlocuteur, près de 200 bergers ont fui leur famille et une dizaine ont été tués pour avoir refusé d’obtempérer au mouvement. En mi mai, rappelle-t-on, Taputal poulakou, une union peulh, lançait son cri d'alarme sur les persécutions des forces maliennes visant cette communauté soupçonnée d'être en conivence avec les jihadistes.
Prise en étau entre les rebelles touaregs, l’armée malienne et les jihadistes, cette communauté tend vers un avenir incertain si des mesures ne sont pas prises.
A seulement quelques dizaines de kilomètres de Mopti, les groupes vivent en maitre absolu. Ils se déplacent nuitamment en groupe d'hommes de 10 à 15 sur des motos dans les differentes bourgades des environs de Mopti. Leur zone de predilection en territoire malien va du Ke- Macina au nord ouest jusqu'à Dialoubé au nord-est. Au delà des frontières, elle s'étend de la Mauritanie jusqu'au Burkina Faso.
Dans leur prêche, ils défient les autorités maliennes et dénoncent l'aspiration à l'éducation occidentale en Afrique, nous confie une responsable locale de la province de Youwarou.
Des messages de propagande et surtout de menace se multiplient dans les marabouts pour polariser les jeunes bergers. Principalement, c'est dans le cercle de youwarou, Tenenkou et Djenné que les insurgés étendent leur domination.
Dans ces différentes localites, la plupart des administrations publiques et les ONGs ont quitté par crainte d'une éventuelle attaque jihadiste. La menace est d'autant plus sérieuse que toutes les écoles sont restées fermées durant toute l’année. « Toutes les écoles classiques seront transformées en médersa (école coranique) et les talibés seront des moudjahidines », déclarait le FLM dans un message adressé à tous les chefs de village desdites localités.
Amadou Barry est originaire de Youwarou, âgé de 25 ans, le jeune homme a quitté son village depuis plusieurs mois après avoir reçu une menace de mort. « Un jour tard dans la nuit, raconte-t-il, des jeunes talibés ont débarqué chez nous et m’ont demandé de les suivre. Mais j’ai refusé ».
Et d’ajouter, « mon refus a été fatal pour la famille. Une tante a perdu la vie et toutes nos cases sont parties en fumée ». Barry est aujourd’hui contraint à l’exile, puisque les jihadistes promettent de revenir.
A la périphérie de la ville de Mopti s'étale une vaste plaine rizicole qui sert aujourdhui de camp de refuge pour cette minorité. Improvisé par les fugitifs, ce camp de fortune abrite 150 personnes toutes issues de la communauté peulh, selon la mairie de Mopti.
Entourée de quelques bovidés, Aissata kolla vit avec ses deux enfants dans sa nouvelle demeure au milieu de la rizière. Visiblement affaiblie et attristée par cette mésaventure, la jeune Femme a perdu son mari, tué par les jihadistes. « Ils disent qu’ils se battent pour nous protéger alors pourquoi ils tuent nos maris, nos enfants », s’interroge- t-elle.
Celui qui sème la terreur dans le centre du pays, particulierement le long du delta Niger, s'est révélé au grand public lors de l'attaque des positions des Forces Armées Maliennes (FAMA) à Konna, le 9 janvier 2012. Originaire de kouffa, un palatin situé dans la province de Niafunké à une centaine de km au nord est de Mopti, le leader du Front de Libération du Macina aspire à l'instauration de la chariaa conformément au pouvoir théocratique qui régnait naguère dans le Macina au 18ème siècle.
L'aire géographique du delta intérieur est partagée par plusieurs communautés aux activités diverses dont des Peulh (qui sont majoritaires), les touaregs, les Bozos et les bamanan. Leurs principales activités sont l'élevage du bétail, la pêche et la culture du riz.
Des témoignages auprès de communauté Peulh démontrent une situation de crise idéologique et identitaire.
Pour le Marabout et spécialiste des questions religieuses, Mounirou Tall, l'objectif principal du FLM, dont le précurseur est lui même peulh est de rétablir la Diina (califa peulh), un régime théocratique dans le Macina. De ce fait, le mouvement compte sur cette communauté pour étendre son emprise sur le centre du pays, consigne le maître coranique. « Quand bien même que les peulh sont des musulmans pieux et très sensibles à des questions de domination », insiste le spécialiste. Mais hélas, le syncrétisme religieux et le radicalisme changent la donne et entrainent des exactions, regrette le marabout.
Bara Diall, 46 ans est le chef d'une bourgade dans la province de Tenenkou.
Pour lui, les peulh ont toujours été en bonne relation avec les autres communautés du delta interieur, de la region de Ségou jusqu'à Tombouctou. « Nous ne réclamons aucune chefferie en dehors de celle qui régit la cohésion sociale dans notre communauté répartie en plusieurs bourgades », soutient-il avec détermination.
Certains rejoignent volontairement les groupes armés pour échapper à la pauvreté, défendre leur communauté par sentiment de vengeance ou pour d'autres raisons personnelles.
Face à un tel état des lieux, le chemin pour l’établissement de la paix au Mali n’est pas pavé de roses.
« La plupart des bergers peulh ont adhéré au mouvement jihadiste pour venger la communauté peulh marginalisée », déclare pour sa part Ousmane Keita, commerçant à Niono (ouest de Mopti). Selon lui, les bergs sont réprimés et arnaqués par les agents des eaux et forêts maliennes qui les obligent à payer de lourdes amendes».
Au Mali, la communauté peulh est l'une des communautés les plus attachées aux valeurs et à la culture musulmane. La plupart des talibés et maîtres coraniques de la région sont en majorité peulh. « Cela peut constituer une opportunité pour les groupes armés de mettre en exergue leur idéologie fanatique », selon plusieurs témoins.
Enrôlés de force, certains ont fui le rang des jihadistes. Bassirou Bah est originaire de Wouro guiya, province de Ténenkou à 40 km de Mopti. Le désespoir et la perte de tous les membres de sa famille lui pèsent encore. « Je n’ai jamais été un jihadiste, les talibés m'ont obligé de les suivre », confesse le jeune homme qui vit dans la peur. « Je sais qu'ils sont à ma trousse et n'hésiteront pas à me tuer », s'inquiète t-il.
Ces derniers temps, rappelle t-on les positions de l'armée et celle de la minusma ont été la cible de plusieurs attaques dans le centre du pays. Toutes les attaques portaient la signature du FLM.
Face aux conflits inter-ethniques latents et les exactions des groupes jihadistes, plusieurs rencontres ont eu lieu sous la direction du gouverneur de la région de Mopti. Elles rassemblaient les forces de sécurité, les chefs religieux, les associations villageoise et notables ainsi que les représentants des différentes communautés. L'objectif était de sensibiliser la population face à la propagande jihadiste et surtout l'implication de celle-ci dans la surveillance des enfants qui se radicalisent.
« C'est seulement avec une plus grande détermination des populations locales, que nous pourrons lutter plus efficacement contre les terroristes», déclarait le gouverneur de Mopti dans ses allocutions.
La region de Mopti est connue pour être un bastion pour les insurgés du FLM, qui a revendiqué la responsabilité de plusieurs attaques dans le centre et le sud du pays ( Nampala, Tenenkou, Dioura, Boulkessi, Dogofry...) ces derniers temps.
« Plusieurs pick-up des forces armées maliennes patrouillent régulièrement dans la province de Tenenkou », témoigne, un infirmier de Koina, une localité située à 20 km à l'ouest de Tenenkou. Selon notre interlocuteur, le contrôle autour des mosquées s’est renforcé.
En plus des Forces Armées Maliennes, l'effectif des casques bleus sera renforcé dans les prochains jours afin de mieux lutter contre les attaques et le départ des jeunes vers le jihad, selon une source sécuritaire de la Minusma.