Fatima Bint Mohammad, vivant dans le village de Bier, à 60 kilomètres de Tombouctou, nous raconte son effrayant périple. Sur le trajet de Bier à In Khalil, près de la vallée d'Abou Kirsha, le véhicule de Fatima a été arrêté par un groupe d'hommes masqués, en tenue militaire. « Munis d’armes, ils nous ont menacés et nous ont ordonnés de descendre du véhicule. Ils ont fouillé les hommes et ont pris leurs téléphones portables et l’argent qu’ils avaient sur eux et demandèrent aux femmes de faire la même chose» raconte Fatima.
Alors qu'ils fouillaient le sac de Fatima, le chauffeur, qui avait une arme, tira quelques coups de feu en l'air. «Ils se sont alors enfuis immédiatement» explique Fatima. « Mais ce ne fut point un soulagement. Tout le monde eut peur jusqu'à la fin du voyage ».
“Nous faisons cela pour gagner notre croûte”
Les motifs des bandits varient, mais devenant très réguliers, certains d’entre eux arrivent à justifier leurs actes. Ali Wild Alarabi, qui a dépouillé les voyageurs pendant des années, raconte : «J'ai travaillé avec un groupe connu. Nous l'avons fait pour gagner notre croûte. La situation est désastreuse et il n'existe aucun moyen de gagner un revenu».
Wild Alarabi décrit leurs opérations : « Nous avions l'habitude de forcer les véhicules à s'arrêter et de menacer les passagers avec des armes sans balles ; le but étant simplement de les effrayer. Nous pourrions aussi bien obtenir ce que nous voulons sans tirer une seule balle. Les conducteurs souvent ripostent et nous tirent dessus, dans ce cas, ou bien nous répliquons, ou bien nous nous sauvons ».
«Nous opérons de nuit», explique Wild Alarabi. «Lorsque nous apercevons des phares, nous transférons l’information et nous nous préparons à forcer l'arrêt du véhicule, soit avec nos armes, soit en plaçant un obstacle sur la route. Ensuite, il s'agit de recueillir ce qu'ils ont facilement ".
Ahmad Amloua, qui travaille comme chauffeur entre Bier et In Khalil, explique pour sa part que les attaques ont également lieu en plein jour, en raison de «l'absence de forces de sécurité armées étatiques». Amloua n’effectue ce trajet dangereux que s’il dispose lui-même d’une arme « pour me protéger ainsi que les passagers contre ces bandits qui sévissent sur les routes ».
Mais il préfère en général emprunter des itinéraires plus sûrs, même s’ils sont plus longs, pour être « loin de la vue des voyous ».
Consultant médiatique du gouverneur de Tombouctou, Sidoua Sissi affirme que les attaques sur les routes ont proliféré depuis que la crise a commencé, « mais elles ont augmenté depuis la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali en mai 2015». Selon Sissi, l'absence prolongée de forces de sécurité dans certaines régions a permis aux bandits de prospérer. «Nous menons des opérations complètes dans certaines régions, en coordination avec certains mouvements armés ».
Les autres itinéraires visés
Dans le reste du Nord-Mali, les routes plus fréquentées comme l’axe Kidal-Gao sont aussi prises pour cible par les bandits. Oumar Maiga, qui utilise les bus de la compagnie « Adagh », explique que les braquages, par des bandits à motocyclettes, sont réguliers. La route principale entre Kidal et Gao est difficile à emprunter en particulier pendant la période d’hivernage, car elle n’a jamais été goudronnée. Il faut compter 9 heures environ pour parcourir 350 kms. Le bus est alors obligé de prendre des routes secondaires où les « coupeurs de route » sévissent. A cela s’ajoute le risque de sauter sur des mines.
Depuis l’arrivée des forces étrangères (MINUSMA, BARKHANE) à Kidal, la gare qui avait été désertée, est de nouveau fréquentée par les passagers.
Ainsi selon Mme Ehya « les choses rentrent un peu dans l’ordre. Et on peut désormais trouver des véhicules 4x4 qui font le transport tous les jours, le trajet est raccourci à 7 heures ».
Housseyne Ag Aissa et Alhassan Ag Mohamed