Revenu à Tombouctou il y a quelques mois déjà après avoir passé près de trois années dans un camp de réfugiés en Mauritanie, Mohamed Ould s’est en effet vite rendu compte que la situation sécuritaire était encore précaire. En plus du fait que le risque terroriste est encore grand, de nombreuses bandes de criminels armées continuent à semer la terreur dans la région. Le 8 janvier 2016 des bandits non identifiés sont entrés dans la ville et ont enlevé une suissesse qui vivait dans la région. Des voitures sont également volées régulièrement et des forains sont pratiquement braqués toutes les semaines.
Les habitants cette ville qui est tombée en 2012 entre les mains des terroristes d’Aqmi ont un autre problème non moins grave. Ils sont regardés avec méfiance. A chaque fois qu’il se produit une agression ou un vol dans la localité, ils sont souvent injustement désignés du doigt. Pour beaucoup, targui ou arabe signifie terrorisme ou personnes à problèmes. A la longue cette stigmatisation devient insupportable. «Le retour des refugiés touareg ou arabes est difficile car ils craignent d’être accusés pour des forfaits qu’ils n’ont pas commis. Ici dès qu’il y a un problème, les regards se tournent automatiquement vers les ‘’peaux blanches’’ (les touareg, Ndlr). Les peaux blanches ne sont pas tous des bandits comme aussi tous maliens de race noire ne sont pas des bandits. C’est à cause de cet amalgame que je suis d’ailleurs parti vivre en Mauritanie au plus fort de la crise. Mais je suis de retour malgré les difficultés parce qu’ici c’est chez moi», s’indigne Mohamed Ould.
Mais l’insécurité et la stigmatisation ne sont pas les seuls problèmes que les refugiés de retour au pays doivent surmonter. Généralement, ils reviennent de leur exil forcé sans le sous. Ils éprouvent les pires difficultés à se réinstaller et rendre leurs anciennes maisons habitables. Très souvent, non seulement ils retrouvent leurs anciens domiciles complètement dévastés mais ils doivent aussi tout recommencer depuis zéro…retrouver un nouveau travail.
Il s’agit d’un véritable défi lorsque l’on sait que pratiquement personne n’a une rentrée d’argent régulière. En plus de cela, ils ne reçoivent aucune aide de personne. Ils sont abandonnés à leur triste condition. Mohamed Ould qui dit être rentré à Tombouctou depuis le mois d’octobre « certifie n’avoir rien reçu du gouvernement ou d’une quelconque autre ONG dont pourtant la mission est d’aider les réfugiés à se réinstaller ».
Beaucoup ont tout perdu durant la crise. C’est le cas de Fatma, une targuie qui a fui à Bamako, la capitale malienne. Assise dans la cour d’une maison en ruine sans porte avec ses 3 enfants et sa sœur, elle explique à quel point la vie est difficile à Tombouctou. Elle explique que sans l’aide des ONG, ces enfants risquent de mourir de faim. «Ici c’est chez moi. C’est ici que je veux vivre mais la vie n’est pas facile pour moi et mes enfants. La crise siphonné toutes nos maigres économies. Nous n’avons plus rien. Le gouvernement et les ONG doivent penser à nous et nous aider au moins à reprendre nos activités », explique-t-elle en sanglots.
Devant la multiplication des actes de racisme et d’intolérance, le maire de Salam, commune essentiellement habitée par les arabes de la région de Tombouctou, avoue son impuissance. «Nous sommes entre le marteau et l’enclume. Les gents de la brousse disent que nous sommes complices de ceux de la ville. Ceux de la ville disent que nous sommes complices des indépendantistes ou de je ne sais quels malfaiteurs qui vivent dans la brousse. Nous sommes tous des enfants de cette ville et quoi qu’il en soit nous sommes obligés de vivre ensemble noirs et blancs. Nos parents ont vécu ensemble des siècles durant, nous devrions prendre exemple sur eux», lance-t-il nerveusement.
Le maire de Salam est persuadé qu’il y a des groupes d’intérêts qui veulent saper la paix obtenue âprement. «Les gens doivent éviter l’amalgame. Il y a une semaine des bandits ont enlevé la voiture d’un guide près du monument de la paix. Les jeunes ont accusé deux arabes qui étaient de passage. L’un d’eux à été tabassé. L’autre a pris la fuite. Ces événements qui tendent à se répéter découragent ceux qui veulent paisiblement revenir chez eux. Derrière ces enlèvements et ces braquages il y a une grande mafia qui ne dit pas son nom. Ceux qui agissent ainsi veulent nous opposer les uns aux autres. Nous devons rester très soudé», explique-t-il.
Officiellement rien ne s’oppose donc aux retours des réfugiés. Le commandent de la zone de Tombouctou, le colonel Oumar Diarra, affirme d’ailleurs avec insistance que « toute personne qui le souhaite peut revenir sans problème chez lui ». «Ce que nous demandons c’est la collaboration des tous sans distinction de race ou d’ethnie», ajoute-t-il. De la même façon le gouverneur de la région Mamadou kansaye appelle « les populations noires comme blanches à éviter l’amalgame et de s’entre-aider pour sortir de l’insécurité». Le maire de la commune Urbaine a fait le même appel à ses citoyens. «Nous sommes tous le même. Nous devons être solidaires comme nos parents l’ont étés jadis. Nous sommes une famille. Nous ne devons pas laisser des gents malintentionnés nous diviser», a-t-il insisté. Son appel au calme et à la raison sera-t-il entendu ?