Certains d’entre eux y sont réduits pour travailler gratuitement ; d’autres ont été transmis en héritage, comme n’importe quel bien matériel, sans compter d’autres types d’esclavage qui, selon les dires de certains citoyens du Nord du Mali, semblent totalement échapper à l’attention des organisations nationales et internationales.
Al Khamis Litni, un garçon de quinze ans, assure travailler, depuis qu’il a vu le jour, pour ceux qu’il appelle « ses maîtres », en emmenant paître leur bétail à titre gracieux. Ainsi, malgré son jeune âge, il ne cesse de parcourir le désert à la recherche d’eau et d’herbe. Il ajoute que ses maîtres ne lui ont jamais laissé le temps de suivre des études, ni même de rencontrer sa mère et ses frères. La dernière fois qu’il a vu sa mère, assure-t-il, remonte à trois années, quand il l’a rencontrée par hasard dans un pâturage pendant qu’ils s’occupaient chacun des troupeaux de leurs maîtres.
Afin de nous expliquer les raisons pour lesquelles ils vivent comme esclaves au service d’une famille Touareg au fond des campagnes de Tombouctou, à l’extrême nord-ouest malien, Litni, le père de Khamis, dit : « Ils ont hérité de nous par leurs parents et grands-parents. En ouvrant nos yeux pour la première fois, nous avons vu nos parents au service de cette famille qui subvenait à nos besoins pendant que nous nous occupions du bétail qui lui appartient et qui nous fait vivre. Ce ne sont donc pas eux qui nous ont réduits à l’esclavage mais cela s’est fait à travers l’histoire ».
« En tant que croyants, adeptes de la religion musulmane, nous devons supporter patiemment le poids de notre condition, puisque les Blancs avaient pris possession de nos ancêtres lors de très anciennes guerres qu’ils n’avaient pas choisi de mener, avant de les reconvertir à l’Islam et d’en faire leurs esclaves. Cela ne signifie pas pour autant que tous les noirs sont des esclaves… », poursuit Litni.
Ahmed Ag Altanana est un sexagénaire qui travaillait comme berger pour le compte d’une autre famille Touareg et qui est actuellement membre de l’association "Timit" pour la lutte contre l’esclavage. Il pense pour sa part que, dans le nord du Mali, les Blancs, qu’ils soient Touareg ou Arabes, considèrent les Noirs comme des esclaves et sont persuadés que leur histoire passée se limite à travailler dans le pâturage, ce qui est loin d’être vrai.
« Beaucoup de Noirs ont été réduits à l’esclavage à cause de la couleur de leur peau, dans la mesure où ils étaient considérés comme inférieurs aux Blancs. Bien entendu, il va sans dire que cela est en parfaite contradiction avec les préceptes des livres saints… », ajoute-t-il avant de conclure : « Ils nous ont forcés à devenir des esclaves, aidés en cela par la France venue occuper le Mali ».
Certains pensent en revanche que la question de l’esclavage au Mali remonte à si longtemps que personne ne saurait en donner la vérité, qu’il soit maître, esclave, Noir ou Blanc.
Ahmed Ag Mohamed El Mokhtar, « maître » ayant hérité de nombreux esclaves par son père, affirme à ce sujet : « En vérité, l’esclavage a existé du temps du Prophète et de ses compagnons et depuis ce temps-là il se transmet d’une génération à une autre. Nous, Touareg, les traitons comme des frères et non pas comme des esclaves. Seulement, pour vivre, ils sont bien obligés de travailler et ils ne peuvent rien faire d’autre que s’occuper de notre bétail et en vivre. Autrefois, il arrivait souvent que des personnes se vendent elles-mêmes, quand elles se trouvaient face à une dette dont elles ne pouvaient pas s’acquitter ou qu’elles se trouvaient dans l’incapacité de subvenir aux besoins de leurs familles. De nos jours, il arrive qu’on voie certains de nos esclaves à qui nous avons donné une éducation devenir médecins, avocats ou même diplomates. C’est dire qu’en fait ce mode de vie est un choix fait par certains afin d’assurer leurs besoins financiers ».