Les médias parlent couramment ces derniers temps de la ville de Kidal et des luttes fratricides entre les factions maliennes rivales pour dominer cette ville, située à plus de 1500 kilomètres de la capitale malienne Bamako. Avec l’état des routes, il faut plus de deux jours pour arriver à la capitale, sans parler des risques sur un tel trajet.
« Pour ma dernière formation avec Media Diversity Institute (MDI), en octobre 2015, comme je n’ai pas trouvé de place dans l’avion de la Minusma, j’ai dû prendre le transport commun et cela m’a pris deux jours de route », raconte l’un des journalistes présents. Il précise que ce n’est pas uniquement le cas de Kidal. Les habitants de Gao, se trouvant à près de 1200 kilomètres de Bamako, ou de Tombouctou (1.000 kilomètres de la capitale), partagent les mêmes soucis.
Le pire, c’est que Kidal se trouve à 320 kilomètres de la frontière algérienne ; Gao n’est qu’à 444 kilomètres de Niamey, la capitale du Niger. La cité historique Tombouctou est supposée être un centre international d’intérêt, ajoute le journaliste. « Toute la zone ne bénéficie pas de projets de développement de la part du gouvernement central, dépourvu de moyens », poursuit le journaliste.
Ce nord malien, se trouvant au centre d’une polémique sur fond sécessionniste, souffre déjà de son éloignement géographique de Bamako, la capitale administrative du Mali et le centre de toutes les décisions. « Et si l’on ajoute ce fait que l’Etat ne dispose pas des moyens nécessaires pour étendre son autorité sur ce vaste pays et jouer son rôle de pourvoyeur des services sociaux, les sécessionnistes trouvent facilement des arguments pour justifier l’étendard de l’indépendance », renchérit Alassane, un trentenaire qui n’a pas quitté sa ville natale de Kidal, pour expliquer la persistance de la rébellion Azaouad. Pour lui, ‘le spectre de la misère est carrément surréaliste’.
Alassane cite l’exemple de la ville de Kidal, une cité d’une trentaine de milliers d’habitants dans ce Nord malien sinistré. Il essaie de comprendre les origines de l’instabilité dans cette ville. « Kidal comptait 45.000 habitants avant 2012. Mais la guerre s’y est installée depuis 2012. La population vit depuis, dans sa majorité, privée d’électricité et de services sanitaires. L’eau est difficile à obtenir. Enfants et jeunes ont passé quatre années sans enseignement. Une reprise scolaire timide a été enregistrée l’année dernière dans quelques écoles. En plus, voilà l’insécurité qui se réinstalle de manière très affichée dans la région », déplore-t-il.
Selon Alassane, la situation des habitants du Nord du Mali s’est détériorée depuis l’intervention militaire étrangère. Il indique comment la guerre a poussé les autorités algériennes à renforcer le contrôle sur les frontières. Or, les gens de Kidal vivent en majorité de la contrebande, notamment celle du pétrole provenant d’Algérie. « Le réseau de Kidal, connecté avec ses ramifications dans la ville frontalière algérienne de Bordj Badji Mokhtar, approvisionnait même les autres villes du Nord malien », précise Alassane. Le pétrole se vend au Nord du Mali à moitié-prix par rapport à Bamako. « Mais, comme la guerre a rendu la vie dure pour la contrebande, les locaux déplorent ce manque à gagner et protestent contre la mère-patrie malienne », conclut-il.
La guerre entre les factions maliennes et les mesures draconiennes employées par les autorités algériennes ont rendu la vie dure aux contrebandiers du Nord du Mali. Mais, ils disent continuer à résister pour survivre. « Ce travail est certes trop risqué mais je n’ai pas de choix. Ma famille, composée de six membres, n’a aucune autre source de revenus. Mon père n’est plus en mesure de travailler depuis qu’il a été amputé de sa jambe suite à une explosion. Je préfère donc risquer ma vie à me croiser les bras, alors que ma famille meurt de faim », dit Oumar, un jeune de 18 ans, chauffeur d’un véhicule 4x4 transportant le carburant sur l’axe de Tinzawaten Kidal.
Un vendeur du carburant algérien défend les bénéfices obtenus à travers ce business. « Je ne suis pas un trafiquant mais plutôt un commerçant. Je trouve du carburant à un prix moins cher que celui proposé par l’Etat et je le revends à un prix favorable aux consommateurs. Tout le monde trouve son compte », explique-t-il. Il reconnait toutefois que l’irruption des terroristes dans cette zone a bouleversé la donne. « En détournant une partie de ce trafic à leurs profits, les terroristes pénalisent la population malienne et se procurent de l’argent pour poursuivre leurs crimes », admet-il. Ce vendeur appelle le gouvernement central de Bamako et la Minusma à sévir contre le terrorisme, tout en sauvegardant les activités ‘commerciales’ sur les frontières.