D’un geste nerveux, elle sort son téléphone et appelle son époux. «Chéri, as-tu pu régler le problème ? », interroge-t-elle ? C’est que Samaké Mariam n’a pas de quoi payer la consultation. Et elle veut justement savoir si son mari a pu se débrouiller un peu d’argent comme cela était convenu avant qu’elle ne vienne à l’ASACONIA.
Malheureusement, cette fois, la future jeune maman rentrera chez elle sans avoir vu de médecin. Son mari n’a trouvé personne pour lui avancer quelques milliers de francs CFA. «Ce n’est pas grave. Je gagnerai un peu d’argent en faisant la lessive des voisins », lance-telle dépitée.
Malheureusement au Mali, Samaké Mariam n’est pas un cas isolé. De très nombreuses femmes enceintes ne se font pas suivre par des médecins faute de moyens financiers. Astan Keita, une vendeuse ambulante dans le quartier de Niamakoro de Bamako, est dans la même situation. Comme Samaké Mariam, elle attend aussi son premier enfant. En 6 mois de grossesse, Astan Keita n’est allée qu’une seule fois au dispensaire de son quartier pour une consultation prénatale. La raison ? «La sage-femme m’avait demandé de faire des analyses et une échographie. J’en parlé à mon mari il m’a dit qu’il n’avait pas d’argent. Depuis, je ne suis plus retournée à l’hôpital», confie-t-elle.
Conséquence : La mortalité infantile reste importante dans le pays malgré que le phénomène ait connu une petite baisse ces dernières années (Lire encadré). La pauvreté et l’absence de couverture sociale sont parmi les principaux facteurs liés au risque de mortalité infantile. La Direction nationale de la santé admet d’ailleurs que «l’absence de couverture sociale augmente les risques de décès à l’accouchement et de mortalité infantile». «Même s’il y a une couverture sociale pour la consultation prénatale ou postnatale, ce n’est pas évident pour les femmes qui habitent loin des centres de santé», insiste Bintou Cissé, une femme enceinte rencontrée à la sortie d’une salle de consultation. Ce n’est pas tout. Mme Cissé révèle aussi qu’«il n’existe pas de structures ou d’associations au niveau de la commune VI de Bamako qui s’occupe de la couverture sociale des femmes enceintes». En somme, c’est une sorte de cercle vicieux.
Pourtant, selon le docteur Racine de l’hôpital de Bamako, le suivi médical est indispensable pour une femme enceinte. «Pour éviter tous risques, une femme durant une grossesse doit absolument faire l’objet d’un suivi médical», explique-t-il, ajoutant que les consultations prénatales ne sont pas une coquetterie dans la mesure où elles sauvent souvent des vies.
Le docteur Racine confirme, lui aussi, que certains facteurs comme la pauvreté, l’éloignement et certaines traditions peuvent empêcher les femmes de se faire suivre pendant la grossesse. Il avertit que cette situation peut poser problème surtout pour celles dont l’âge est considéré comme un facteur de risque. C’est le cas particulièrement des femmes enceintes de moins de 15 ans ou de plus de 42 ans. Le docteur Racine affirme, en outre, que les lenteurs en matière d’intervention au niveau des hôpitaux peuvent aussi compliquer la situation.
Dramatique et surtout ancien, le calvaire des femmes enceintes est connu de toute la société malienne. Quand les autorités prendront-elles enfin le terreau par les cornes pour y mettre fin ?
Selon les enquêtes démographiques et de santé du Mali (EDSM-V), le taux de mortalité néonatale est passé de 57 pour mille en 2001 à 46 pour mille en 2006 et à 35 pour mille en 2012. En ce qui concerne la mortalité infantile, le taux est baissé de 113 pour mille en 2001 à 96 pour mille en 2006 et à 58 pour mille en 2012.
Quant au taux de mortalité infanto-juvénile, il a régressé de 229 pour mille naissance en 2001 à 191 pour mille en 2006 et à 98 pour mille naissances en 2012 pour un objectif de 83 pour mille en 2015, selon les OMD.
Le taux de mortalité maternelle, lui, reste élevé. Il passe de 582 pour 100.000 naissances vivantes en 2001, à 464 pour 100.000 naissances vivantes en 2006 et à 368 pour 100.000 naissances vivantes en 2012. La proportion d’enfants souffrant de retard de croissance était de 38% en 2001, 43% en 2006 et 38,3% en 2012. Celle liée à la malnutrition aiguë était de 11% en 2011, 15% en 2006 et 16,4% en 2012.