D’après le docteur Mohamedine Ibrahim Toure, ces médicaments vendus par terre tuent des gens. « Ils sont faux, mal entretenus et périmés pour la plupart. Ceux qui les vendent n’ont aucune expérience dans le domaine de la pharmacie. Ces faux médicaments constituent un danger pour leurs consommateurs», affirme le docteur.
Madame Keita Ra mata Dembélé, pharmacienne au quartier badialan2 à Bamako, abonde dans le même sens que son prédécesseur : « Les clients qui s’approvisionnent chez ces vendeurs ne voient pas le risque qu’ils prennent en consommant ces produits. Ils ne voient que le prix qui n’est pas élevé. Ces produits, exposés tout le temps au soleil, ne sont pas bons pour l’utilisation » souligne-t-elle. « Le pharmacien peut procurer des médicaments à chacun selon sa bourse », ajoute-t-elle.
A La question portant sur les mesures prises par l’Etat pour lutter contre la vente de ces produits au Mali, la pharmacienne répond : « Il n y a aucun changement. Les médicaments sont toujours vendus dans la rue comme avant ».
Pour Sadia Korpos, responsable à la direction de la pharmacie et des médicaments (MPM), il y a au Mali, depuis 2002 une commission nationale de lutte contre la vente illicite de médicaments. Elle a mis en place une commission de destruction des produits pharmaceutiques. Des structures de répression comme la police, la gendarmerie, la justice et la brigade des stupéfiants récupèrent les faux médicaments. Ils les stockent dans un magasin au MPM. Ces médicaments récupérés sont partagés en deux groupes : drogues et médicaments. Les drogues sont détruites une fois par an et les médicaments tous les trimestres.
« Les gens confondent les choses. On peut trouver à la pharmacie le même médicament qu’on vend dans la rue. Cela ne veut pas forcément dire que c’est acheté chez les vendeurs ambulants qui ont leurs propres circuits d’approvisionnement », dit Monsieur Korpos. Il ajoute à ces propos : « Contrairement à ce que disent certains, les médicaments que nous récupérons par terre, nous les détruisons systématiquement».
Du côté des consommateurs, les avis sont autres. Ils pensent que les médicaments trouvés par terre sont efficaces et moins chers que ceux de la pharmacie. Ils ajoutent que ce sont les mêmes médicaments qu’on trouve dans les pharmacies. C’est le cas de Zeina, une ménagère qui vit au quartier Badialan2 de Bamako. Elle affirme : « je consomme ces médicaments depuis sept ans. Je suis toujours en vie et en bonne santé. Donc, pour moi, ce sont de bons médicaments, c’est la même chose qu’on vend à la pharmacie ».
Laquelle affirmation est partagée par une autre ménagère, Amy Cissé, qui dit : « Je suis pauvre, J’ai trois enfants. Quand je tombe malade, je ne peux pas me rendre chaque fois à l’hôpital, j’achète ces médicaments dans la rue. Ils sont moins chers et on peut les prendre sans ordonnances. A l’hôpital, c’est très compliqué pour quelqu’un qui n’a pas de soutien financier ».
La provenance des médicaments de la rue demeure toutefois énigmatique. Djeneba Dembélé, vendeuse de médicaments non contrôlés au grand marché de Bamako dit : « ces médicaments viennent de la Chine et de l’Inde. Ce sont des bons médicaments, puisque les patients reviennent chaque fois les acheter ». « Ce sont des médicaments efficaces », conclut-elle.
Dramane, jeune commerçant a Hamdalaye, n’est pas d’accord. « Ce sont des médicaments périmés en France, qu’on vient nous vendre ici. Moi je n’achète jamais ces médicaments », insiste-t-il.
La « pharmacie par terre » continue donc son bonhomme de chemin entre l’indifférence des autorités, le rejet de certains illuminés et l’adoption par une bonne partie de la population. 800.000 morts, notamment en Afrique, sont enregistrés chaque année des complications suite à l’utilisation de ces produits dangereux, sans qu’on ne sache qui se cache derrière ces réseaux mafieux.