Mais dans leur nouvelle vie citadine, elles sont très souvent victimes de dures conditions de travail avec des journées interminables, parsemées d’injures, de violences voire de viols, le tout pour un salaire misérable. Des conditions lamentables qui les exposent notamment aux maladies et à des grossesses non désirées.
Des conditions dures de travail
Au Mali, comme dans la plupart des pays de la sous-région, aucune disposition légale ne détermine le salaire des aides ménagères. De même, elles ne bénéficient d’aucun statut juridique susceptible de les protéger contre les accidents de travail ou les maladies. Exploitées au gré des patronnes, ces filles sont astreintes à une multitude de travaux sans répit.
« A travers la ville ces jeunes filles sont les premières à se réveiller et les dernières à se coucher » soutient Salla Djenebo responsable d’une association des aides ménagères. Après leur embauche, elles sont contraintes de faire toute sorte de travaux (balayer, faire la vaisselle, cuisiner, entretenir les enfants) de gré ou de force. Un état de servitude parfois proche de l’esclavage qui est puni par la loi malienne.
Une fois à Bamako, elles font du porte-à-porte de façon individuelle pour trouver du travail, en acceptant des salaires indécents sans avoir connaissance des réalités de leur nouvel environnement.
Une exploitation difficile à supporter
Avec un enfant à charge, Kadidia, 18 ans, est originaire de Koro (une province située à une centaine de kilomètres à l’est de Mopti). La jeune fille travaille à Bamako depuis deux ans. « A mon réveil à 4 heures du matin, mes premières tâches consistent à laver les ustensiles de cuisine utilisés pour le repas de la nuit », explique-t-elle. « Ensuite je dois laver les habits de tous les membres de la famille », ajoute Kadidia avec mélancolie.
Une dure corvée pour un salaire qu’elle peine à percevoir. « Après une année de travail, ma patronne refusait de me payer, donc j’ai arrêté de travailler. C’est à ce moment que je suis tombée enceinte », nous confie-t-elle en se remémorant une période sombre pendant laquelle, sans abri et dans la détresse, elle s’est livrée à la prostitution.
Avec des larmes aux yeux, elle dit craindre un retour au village avec son enfant puisqu’elle y est déjà fiancée. Elle a décidé de reprendre son travail dans l’espoir de recevoir son argent et éventuellement retrouver le père de son petit garçon. La jeune fille regrette aujourd’hui d’être venue à Bamako.
« Le problème d’argent est le plus récurrent chez les aides ménagères », déclare Salla Djenebo, responsable de l’Association des Jeunes Travailleurs. « Après des mois de travail les patronnes refusent de les payer », affirme-t-il. « Ce sont des employées saisonnières qui doivent repartir au bout d’un certain temps. Si leur argent est confisqué, nous approchons les patronnes pour qu’elles leur restituent la somme due» explique-t-il.
En plus du problème financier qui l’oppose à sa patronne, Yapema KAREMBE, 17 ans, est victime d’humiliations de toute sorte. Elle travaille à Niaréla en plein centre de Bamako. «Quand la patronne me demande de faire quelque chose et que je ne termine pas assez vite, elle m’insulte et me donne des coups de bâton » s’indigne-t-elle. « Je travaille dans une grande famille, ce qui demande une activité perpétuelle, puisqu’à chaque fois qu’une tâche est finie, une autre m’attend » déplore la jeune fille.
« A la fin du mois, je perçois la moitié de mon salaire initialement fixé à 7500 Francs CFA (moins de 12 euros). Le reste est égaré sous prétexte que j’aurais cassé des verres ou fait d’autres dégâts ! » se lamente-t-elle.
« Sans parents proches ni aucune connaissance à Bamako, ces filles sont pour la plupart logées sur leur lieu de travail. Ce qui les rend plus vulnérables aux mauvaises attitudes des patronnes », explique Salla.
Dans certains quartiers défavorisés de Bamako, en plus des activités domestiques, les « petites bonnes » sont exploitées à l’extérieur également. Dans la rue, elles doivent faire du petit commerce pour le compte de leurs employeurs et marcher des dizaines de kilomètre sous un soleil de plomb pour répondre à leurs exigences. Les employées de maison sont aussi parfois victimes de viol par leur patron, nous explique Salla Djenebo. Elles peuvent tomber enceintes et perdre leur honneur surtout que les responsables refusent d’assumer leurs actes, explique notre interlocuteur. « Ainsi, certaines s’adonnent à des infanticides ou abandonnent leur enfant au coin des rues », regrette-t-il.
Pour pallier au manque de réaction des autorités, quelques associations sont au chevet des aides ménagères dans leurs difficultés quotidiennes.
L’association de Salla Djenebo, à but non lucratif, en est un exemple. Elle défend et protège les employées de maison de la région de Mopti sur leur lieu de travail, dans toutes les régions du Mali.
« Nous avons le contact de certaines filles du Pays Dogon qui viennent à Bamako. Nous intervenons en leur faveur en cas de problème. De plus l’association offre des animations appelées Niogolon sur les relations entre les employées de maison et leurs patronnes. C’est surtout à travers la sensibilisation que nous luttons contre les mauvais traitements dont sont victimes les ‘’petites bonnes’’ ». Pour résoudre les problèmes de paiement des jeunes filles Salla explique qu’ils font notifier le nombre de mois travaillés par des témoins. «En cas de mauvaise volonté manifeste pour payer ces pauvres filles, l’AJT fait appelle à la justice pour gagner gain de cause. Puisque c’est à la forge qu’il faut battre le fer » ajoute-t-il confiant. « Il peut même y avoir des interpellations en cas d’extrême violence de la part des patronnes pouvant conduire à des blessures », assure Salla.
A 800 kms de la capitale, dans la province de Bandiagara (région de Mopti) il existe plusieurs associations dont l’objectif est de freiner l’exode des jeunes filles vers les centres urbains. Mais elles n’interviennent à Bamako qu’en cas de force majeure. Pour Aly Dolo, maire de Sangha, à 45 kms de Bandiagara, le séjour des filles à Bamako est souvent marqué de souvenirs d’humiliation chez les Dogons. Le pire peut aussi arriver aux saisonnières. L’année dernière, rappelle-t-on, 25 employées de maison disparaissaient à Bamako. Elles provenaient toutes de la bourgade de Sangha. Elles n’ont pas été retrouvées à cette date.
Malgré l’assistance de toutes ces associations, seules des lois permettront de protéger les employées de maison et d’améliorer leurs conditions de travail.
Hamidou Saye