Ce n’est pas la première fois qu’une région libyenne réclame un système fédéral, la Cyrénaïque, dans l’est de la Libye, ayant déjà déclaré son autonomie en 2012. Le gouvernement intérimaire libyen de l’époque avait catégoriquement refusé la partition du pays, affirmant dans un communiqué que «la gouvernance et l’administration du pays sont déterminés par la constitution et par les lois qui en découlent. Aucune partie n’a le droit d’imposer ses opinions séparatistes, en dehors de la constitution ».
Mais face à l’abandon du gouvernement à leur égard, les habitants du Sud ne cachent plus leur colère. Al Moatassim Bellah, de la ville de Sebha, dit à ce propos : «nous en avons ras-le-bol d’être presque invisibles aux yeux du gouvernement… La sécurité est défaillante, voire inexistante et nous ne touchons nos salaires qu’après que tout le monde dans Nord soit servi ». Et d’ajouter : «la misère est désormais visible à d’œil nu dans le sud… Pourtant, toutes les richesses minérales et pétrolières sont extraites ici, mais ce sont les gens du nord qui en profitent pour faire des projets et des investissements à nos dépens ».
Solution unique
Mustapha Ouerfalli, étudiant à l’université de Sebha, estime pour sa part que «le fédéralisme est l’unique solution pour résoudre la crise en Libye, à travers la partition du pays en trois régions administratives, en l’occurrence la Cyrénaïque, la Tripolitaine et Fezzane, et la répartition des habitants selon la densité de population ».
Ouerfalli constate que «la situation actuelle ne peut pas conduire à un consensus politique sans la partition de la Libye » et met en garde contre le scénario somalien. «Si le chaos sécuritaire persiste, la Libye pourrait devenir comme la Somalie ou même pire. Dans un système fédéral, chaque Etat aura sa propre armée et gèrera ses affaires en toute indépendance, et le pays se redressera en moins d’une année » affirme-t-il.
Certains responsables politiques du sud-libyen accusent ce que l’on appelle «la troisième force » dépendant du gouvernement d’Union nationale, et formée par les tribus de Misrata « d’être responsable de la détérioration de la situation au Sud, pour se venger de ses habitants qui avaient appelé à expulser de la région les membres de ces tribus ».
Saleh Al Allem, un des dignitaires des tribus de Sebha partage cet avis. «Nous souffrons d’un blocus et risquons de périr tous, sans électricité ni eau, ni gaz, ni carburant. Tout ceci à cause des Misratis qui se vengent de nous parce que nous leur avons demandé de quitter nos terres et de rentrer chez eux ». Et d’ajouter : «la situation ici est devenue invivable… Nous réclamons la création de l’Etat de Fezzane, seul garant d’une vie meilleure pour nous et pour nos enfants ».
Roukayya Majbri, qui travaille à la municipalité de Sebha, affirme de son côté, que le Sud a toujours été marginalisé, même sous le règne de Kadhafi. «Autrefois, nous n’étions ni pris en considération, ni libres… Alors aujourd’hui, nous sommes au moins libres de décider pour nous-mêmes. La situation est devenue insoutenable et nous ne demandons qu’une vie digne… Toutes les régions libyennes se désintéressent de la tragédie du Sud, alors je trouve que le système fédéral est notre seule issue pour jouir de nos droits à l’instar de toutes les autres régions du pays. »
Hussein Ag Issa