Aucune information n’a filtré sur la rencontre Marzouk-Haftar, hormis quelques mots protocolaires de Mohsen Marzouk qui a affirmé que la rencontre est survenue dans un contexte d’échange de points de vue sur la situation régionale et sur la guerre contre le terrorisme. La rencontre a toutefois irrité la présidence tunisienne qui a appelé, dans un communiqué, tous les intervenants dans le dossier libyen à se coordonner avec les institutions officielles de l’Etat, afin de garantir le succès de l’initiative de médiation tunisienne, précisant que seul le ministre des Affaires étrangères est habilité à mettre en œuvre la politique étrangère de la Tunisie.
Il faut dire que la rencontre Marzouk-Haftar a levé le voile sur l’enchevêtrement des intérêts dans le dossier libyen et sa dépendance du jeu des axes d’influence, avec plusieurs acteurs régionaux à la manœuvre, ce qui inquiète les autorités tunisiennes. Tunis estime en effet que ces manœuvres pourraient saboter ses efforts de médiation, alors que les répercussions de la crise libyenne sur les pays voisins sont conséquentes (en termes de d’insécurité, immigration, menaces terroristes…)
Lors d’une interview télévisée le 19 février 2017, le président tunisien Béji Caïd Essebsi a qualifié le maréchal Haftar de « patriote » et estimé qu’il était « un acteur majeur » dans tout scénario de sortie de crise.
« Haftar est en route » a déclaré Essebsi, laissant entendre que le maréchal allait se rendre en Tunisie et que des concertations étaient bel et bien en cours. Le ministre tunisien des Affaires étrangères, Khémaies Jhinaoui, a lui aussi confirmé, le 23 février, que Haftar viendrait prochainement à Tunis, dans le cadre des consultations en cours pour une sortie de crise en Libye.
Suite aux critiques suscitées par la rencontre entre la délégation de « Machrou tounes » et Khalifa Haftar, le porte-parole du parti, Hssouna Nasfi, a précisé que cette rencontre ne violait « aucunement les normes diplomatiques », notant que les interventions émanant d’autres acteurs politiques tunisiens n’ont pas suscité la moindre réaction de la part de la présidence. Hssouna Nasfi faisait ainsi allusion aux rencontres entre le chef du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, et différents acteurs du dossier libyen.
Toutes ces initiatives ont poussé plusieurs analystes à confirmer l’influence du jeu des axes régionaux et des conflits d’intérêt en Libye ; différents intervenants, régionaux et internationaux, mènent une course effrénée pour s’emparer d’une part du gâteau libyen. En témoigne la rencontre entre Rached Ghannouchi, leader du mouvement islamiste Ennahdha, et son homologue au sein des Frères musulmans en Libye, Ali Sallabi, et l’entretien entre Haftar, détracteur de l’islam politique en Libye, et l’homme politique tunisien, Mohsen Marzouk, défendant les mêmes idées dans son pays. Ali Sallabi est fidèle à l’axe Doha-Ankara, alors que Haftar est fidèle à l’axe Le Caire-Abou Dhabi.