Zeïnabou Mint Brahim, maman du petit Ahmed Ould Mohamed, habite Tarhil 17 et se souvient du premier jour de sa venue au Centre d’Oncologie :
«Nous sommes arrivés ici avec Ahmed dans un état désespéré : il vomissait du sang et son ventre était gonflé : ses reins pesaient chacun 1,5Kg d’après le médecin. On m’a demandé d’aller faire des radios, des échographies et des analyses de sang ailleurs et revenir pour les soins. Je ne savais comment faire et je n’avais pas d’argent. Suite à un accident, le papa d’Ahmed qui est soldat est devenu handicapé et n’a pas de revenu. Et moi je ne travaille plus depuis que le petit Ahmed est malade. J’ai eu la chance de croiser les filles de Essid Tessad qui m’ont accompagnée et aidée à faire les examens et à acheter le traitement. Elles font cela depuis plus de trois années. Une autre association nous aide également dans l’alimentation d’Ahmed : chaque semaine, ils lui ramènent des œufs et des fruits.»
« Le Centre National d’Oncologie, prend en charge la à 100% la radiothérapie et le scanner – et le traitement chimiothérapique à hauteur de 50% du coût. Les autres 50% des charges, en plus des analyses, examens, chirurgie et autres soins complémentaires sont à la charge du malade. » Explique Ahmed Salem Ould Hadj, le responsable de l’accueil au centre. « Il est vrai que le travail bénévole des associations des jeunes, comme « Essid Tessad » et « Jeunesse Positive », aide beaucoup les malades et nous aide aussi du coup. Ces bénévoles apportent une assistance psychologique, sociale et médicale aux malades et à leurs familles. Ils jouent aussi un rôle important de sensibilisation lors des campagnes de dépistage qu’ils ont mené ici et à l’intérieur du pays.»
Pour Essid Tessad, une association de jeunes volontaires, tout a commencé lorsqu’une jeune fille de 20 ans a eu l’idée d’offrir un sourire à un enfant malade, à l’occasion de son anniversaire.
Fatimetou mint Abdallahi, évoque ce souvenir : « lorsque j’ai vu le petit garçon effrayé dans une chambre avec plusieurs adultes très malades, j’ai eu le cœur brisé. J’ai compris qu’il fallait faire quelque chose. J’ai envoyé un message à mes amies sur les réseaux sociaux et très vite nous avons organisé un plan pour construire et aménager une chambre pour isoler les enfants malades. »
« Puis petit à petit, et pour faire face à l’énorme demande d’assistance que nous avons rencontrée, nous nous sommes organisés pour venir en aide aux uns et aux autres. Cela nous demande beaucoup de disponibilité et beaucoup de moyens financiers, mais nous n’hésitons pas à solliciter tout le monde et nous avons toujours réussi à obtenir ce que nous cherchons » déclare avec confiance la jeune fille. « Nous sommes tous des élèves ou étudiants et nous n’avons aucune formation médicale, ni sociale, mais le personnel médical nous aide et nous oriente dans nos différentes tâches. »
Créée en janvier 2014, l’association Essid Tessad compte aujourd’hui plus de 80 bénévoles et elle collecte quelques fois jusqu’à 2.000 Euros par jour pour acheter le traitement d’un malade ou pour organiser des sorties pour les enfants malades à l’occasion des fêtes. (Voir vidéo).
Ses membres se chargent aussi de l’animation et de l’entretien de la salle d’attente qu’ils ont créée, en plus des cinq nouvelles chambres dédiées aux enfants hospitalisés.
Longtemps considérée dans le pays comme une maladie de «blancs» ou de « riches», le cancer tue 1.500 personnes chaque année en Mauritanie avec 2.000 nouveaux cas de cancers diagnostiqués chaque année, selon le rapport « profil pays pour les maladies non transmissibles » de l’OMS publié en 2013.
La maladie demeure l’une des premières causes d’évacuation des Mauritaniens vers l’étranger et sa méconnaissance est, selon plusieurs spécialistes, à l’origine des prises en charges tardives, ce qui pèse sur les chances de guérison des malades. Raisons pour lesquelles, le plan national de lutte contre le cancer, validé en novembre 2016, est axé sur la prévention et la sensibilisation sur le danger de cette maladie et la nécessité de la traiter de manière précoce.
Maïmouna Saleck