Selon l’Etat mauritanien, l’objectif du développement de cette industrie était de réduire l’étendue du chômage et de permettre à des entreprises locales d’exploiter les richesses maritimes du pays qui étaient exclusivement réservées aux chalutiers et aux bateaux de pêche étrangers.
Pour certains, le choix des eaux de Nouadhibou par le gouvernement est loin d’être des plus judicieux, notamment du point de vue géographique, dans la mesure où ces usines, installées à proximité de la plage, ont engendré de gros dégâts écologiques. Elles ont fortement endommagé l’unique échappatoire des habitants et l’une des destinations préférées des visiteurs de la ville.
Avec l’entrée en fonction de ces usines, voici cinq ans, Nouadhibou s’est mise peu à peu à perdre son air pur et sa beauté envoûtante. Face à cette nouvelle réalité, les habitants et de certains défenseurs de l’environnement alarmés par les odeurs pestilentielles dégagées des usines de farines de poissons ont poussé des cris d’alerte, lancé des campagnes d’information et même porté plain.
La sonnette d’alarme tirée
Lors de campagnes d’observation de la situation environnementale de la ville, Sid Mohamed Ouelt Mohamed Cheikh, militant écologiste et président de l’Organisation pour la Promotion de la famille et pour la Défense de l’Environnement, a pu mesurer, avec d’autres militants, jusqu’à quel point ces industries sont dangereuses pour l’environnement.
Sid Mohamed explique en effet que les nuisances écologiques de ces usines consistent, d’une part, dans les déchets toxiques directement jetés à la mer et très polluants pour l’eau. La couleur de cette dernière n’est en effet plus la même et elle n’est plus qu’un ensemble de mares stagnantes aux odeurs putrides et infectes.
D’autre part, la fumée épaisse dégagée par ces usines polluant l’air de la ville et des régions voisines est à l’origine de grands maux chez les habitants qui ont réclamé l’intervention des autorités pour imposer des limites aux industriels.
Mais lesdites limites n’ont pas été suffisantes selon Sid Mohamed, à tel point que ces usines représentent désormais une menace de taille pour la santé générale, d’autant qu’elles fonctionnent toutes en même temps. Après une multitude d’études et suite au grand nombre de plaintes pour maladies chroniques et cas d’asphyxies, les autorités de la ville se sont vues obligées de procéder à la fermeture d’un grand nombre d’entreprises.
Mokhtar Ouelt Amah, médecin ORL et allergologue, pense que la pollution de l’environnement dans la ville de Nouadhibou a provoqué la propagation de nombreuses pathologies telles que l’allergie, l’asthme et les affections respiratoires, en particulier chez les enfants et chez les personnes atteintes de maladies chroniques.
Et, après avoir mis en garde contre les dangers grandissants de ces industries pour la ville et pour ses habitants, au cas où les usines de farines de poisson continueraient à fonctionner, Mokhtar Ouelt Amah explique encore que les très épaisses émanations toxiques injectées quotidiennement dans l’air engendrent désormais un effet de pression respiratoire. Devant ce phénomène, les hôpitaux demeurent impuissants, étant incapables d’accueillir le nombre impressionnant de malades atteint d’allergies, de gastrites, de brûlures de la bouche et d’œsophagites, autant d’affections pouvant mener, précise-t-il, vers des maladies chroniques comme l’impuissance et représentant même une cause de mortalité.
Les habitants manifestent
A cause de cette grave situation environnementale et des odeurs pestilentielles qui rendent l’air irrespirable, les habitants de la ville, en particulier ceux du quartier "Kansadou" attenant à l’entreprise "Asnim", ont organisé des rassemblements de protestation contraigant les autorités à fermer quelques usines. Mais cela n’était toujours pas suffisant pour alléger leur souffrance.
Mohamed Ouelt Soulah qui souffre de difficultés respiratoires et de certaines affections allergiques se confie à Dune Voices en disant que la proximité de la zone industrielle et des quartiers résidentiels représente la plus grosse erreur commise contre la population. Aussi appelle-t-il les autorités à tenir les usines loin de la ville qui, totalement polluée, a perdu son attraction touristique.
Al Mokhtar ouelt Salem, avocat au barreau, assure pour sa part qu’il est parfaitement possible d’intenter des procès en urgence auprès des tribunaux contre les entreprises incriminées, étant donné leurs effets néfastes sur la santé de la ville et de ses visiteurs.
Ouelt Salem affirme encore qu’il est possible de « poursuivre judiciairement les industries mères, surtout si elles sont d’origine étrangère et cela en s’appuyant sur la loi internationale à laquelle on peut faire appel dans les crimes de risque. En effet, il suffit que le risque existe pour qu’il constitue le fondement même du crime ».
De même, ajoute-t-il, il est possible d’« intenter un procès contre ceux qui n’imposent pas à ces industries le respect des normes et des règles de sécurité qui protègent l’intérêt général et l’environnement dans la ville de Nouadhibou ».
Ahmed Karkoub