Les dangers que les travaux de ces compagnies font courir à l’environnement ont poussé nombre de militants écologistes à réclamer la mise en œuvre de procédés de contrôle afin de limiter leurs effets nuisibles et d’imposer aux compagnies des programmes d’exploitation clairs qui respectent les normes de rigueur.
Au début de l’année 2015, une association est apparue dans la région sous le nom de « la protection de l’Environnement à Dhiba ». Après avoir relevé nombre de violations écologiques perpétrées par les compagnies pétrolières, elle a réclamé que les autorités de tutelle interviennent pour y mettre fin mais ses appels n’ont pas été pris suffisamment au sérieux.
Dans une interview accordée à "Dunes Voices", un des militants de l’association affirme que « ces compagnies pétrolières ne respectent pas les lois ni les réglementations écologiques ». Il explique encore que « la faiblesse des contrôles exercés par les structures gouvernementales de tutelle sur l’activité de ces compagnies les encourage à faire fi des normes exigées ».
Pollution des nappes phréatiques et des terrains
Parmi les dérives observées dans le travail d’exploration, il y a le fait que, sur les lieux de forage, les entreprises ne procèdent pas au remblaiement des terrains creusés, ni au traitement des eaux utilisées dans les forages et qui en ressortent chargées de matières chimiques fortement toxiques aussi bien pour la nappe phréatique que pour le bétail. Ceci est d’autant plus grave que la plupart des zones où se situent les gisements de pétrole se trouvent dans des terrains de pâturage.
Par ailleurs, l’association a observé que la compagnie qui exploite le champ pétrolier d’El Borma, le plus vieux de Tunisie, utilise une technique consistant à injecter de grosses quantités d’eau dans les puits de pétrole afin d’en augmenter la production. Ces quantités d’eau sont par la suite évacuées dans des mares stagnantes qui ne sont ni traitées ni suffisamment contrôlées pour empêcher que l’eau ne s’infiltre dans les réserves d’eau dans lesquelles s’abreuvent les animaux.
Non seulement les compagnies pétrolières ont des pratiques nuisibles pour l’environnement, mais elles se sont également approprié toutes les ressources naturelles en eau ainsi que les puits destinés à l’élevage, tels que la " Bhiret Karaat Saber ", " El Aïn Esskhouna", et le puits profond de " Dhahrat Salah ", situés dans la région de Dhiba et autrefois exploités par des sociétés de service affiliées aux éleveurs de bétail et de chameaux.
Par ailleurs, suite aux rumeurs de travaux d’exploration de gaz de schiste dans la région de Borj El Khadhra, au sud du gouvernorat de Tataouine, les militants écologistes craignent d’autres graves conséquences sur l’environnement. En effet, selon des rapports scientifiques, la technique d’extraction du gaz de schiste implique l’utilisation de très grandes quantités d’eau. Une aberration dans des régions où l’eau se fait rare.
Pour sa part, Adel Al Missaoui, représentant de l’Agence Nationale pour la Protection de l’Environnement dans le gouvernorat de Tataouine qualifie les contrôles effectués d’« insuffisants et quasi-absents », dans la mesure où ils se limitent, dit-il, à « un seul cycle de contrôle par an ». Al Missaoui explique cette insuffisance par le manque de moyens logistiques et humains, par l’éloignement des sites pétroliers, par l’aspect saharien et impraticable des routes qui y mènent, ainsi que par d’autres facteurs d’ordre structurel tenant principalement à une administration centralisée et à des ressources humaines dont la formation ne suit pas les progrès sans cesse effectués par l’industrie du pétrole.
En réponse aux rapports accusant les compagnies pétrolières d’épuiser les ressources phréatiques, le vice-président du service des eaux au sein de la Délégation Régionale de l’Agriculture de Tataouine déclare à Dunes Voices qu’« il existe entre ces compagnie et le Ministère des contrats les autorisant à exploiter les ressources phréatiques et qu’il existe également des contrôles réguliers de leurs méthodes d’exploitation ». Notre interlocuteur précise également qu’il existe « un article dans les contrats conclus entre les deux parties stipulant que les éleveurs de bétail et de chameaux bénéficient d’un droit d’accès aux sources d’eau existant sur ces terres ».
Opportunités d’emploi pour les enfants de la région
D’autre part, Mohamed Jouini, ingénieur agronome et membre de l’Union Tunisienne de l’Agriculture, assure que la question de la confiscation des sources d’eau par les compagnies pétrolières au détriment des éleveurs est débattue par les services de l’organisation. Il admet aussi que nombre de plaintes leur sont déjà parvenues de la part des éleveurs aussi bien à ce sujet qu’au sujet de la pollution causée par les mares d’eau stagnante et non traitée.
Jouini affirme que ces dernières années ont vu de nombreuses têtes de bétail et de chameau atteintes de maladies que les laboratoires du Ministère de l’Agriculture n’ont jamais réussi à diagnostiquer.
Les compagnies pétrolières sont protégées par le programme de la « responsabilité Sociale » qui couvre leurs dérives environnementales. En effet, avec l’étendue de leurs activités, les compagnies emploient un nombre croissant de sociétés de services, permettant ainsi de fournir aux enfants de la région de nombreux emplois. Une bonne nouvelle pour cette période qui suit la révolution tunisienne, née du soulèvement d’une société exaspérée par le chômage.
Aussi, en collaboration avec les autorités régionales, les compagnies pétrolières se sont-elles impliquées dans ce programme de la « Responsabilité Sociale » qui consiste à accorder aux autorités locales une importante somme annuelle, estimée à près de 2.5 milliards en 2016, soit plus d’un million d’euros. Cette somme est destinée à financer des programmes de développement pour les jeunes, ainsi qu’à fonder des organisations de la société civile à l’instar de l’association autrichienne "Success Skills" dont le rôle est, entre autres, de financer de petits projets au profit des jeunes diplômés.
Tataouine est l’un des gouvernorats les plus marginalisés du pays, avec un des taux d’emploi les plus faibles du pays et peu d’opportunités d’emploi. Un contexte favorable aux compagnies pétrolières qui affirment que leur activité est une aubaine aussi bien pour le pouvoir que pour les habitants de la région, et leur permettant de reléguer les dommages environnementaux au second plan.