Le plus important des amendements constitutionnels est la suppression du sénat et la création de conseil régionaux avec une nouvelle division administrative des 13 gouvernorats du pays et l’organisation d’élections municipales en préparation d’une élection présidentielle anticipée.
L’opposition radicale qualifie le dialogue tenu en septembre de "mascarade"…
Trois mois se sont écoulés depuis les séances du dialogue national entre le pouvoir mauritanien et une partie de l’opposition (la plupart des principaux partis de l’opposition ayant boycotté ce dialogue) ; mais aucune des recommandations issues de ce dialogue n’a été mise en exécution sur le terrain jusqu’à ce jour. Ce sont d’ailleurs ces mêmes recommandations que l’opposition radicale critique en les considérant comme une manœuvre mise en place dans le but de modifier le régime politique et de maintenir le président actuel, Mohamed Ouelt Abdelaziz, plus longtemps encore au pouvoir.
Les trois partis politiques les plus importants dans le pays, l’Union des Forces du Progès, le Rassemblement et le bloc du Forum, estiment que les amendements constitutionnels proposés ne sont pas de première urgence et n’apportent aucune solution aux problèmes de fond dont souffre le pays. Notamment la crise politique causée par l’absence de neutralité d’un Etat qui se trouve pris en otage par le régime en place.
Dans un document que Dunes Voices a pu consulter, les partis d’opposition radicale ont affirmé lors d’une conférence de presse tenue à Nouakchott qu’« il n’est permis d’amender la constitution que dans le cadre d’une situation politique ordinaire et dans le but de résoudre des problème fondamentaux entravant le bon fonctionnement des institutions ou empêchant le progrès de la nation. Or, l’amendement proposé n’apporte que la discorde en même temps qu’il survient sur le fond d’une absence totale de neutralité de la part de l’Etat et intervient au cœur d’une crise politique aiguë ».
Les calculs de l’opposition modérée tombent à l’eau…
Il y a quelques mois, le président mauritanien Mohamed Ouelt Abdelaziz avait assuré dans son discours de clôture du dialogue national que les amendements constitutionnels proposés seraient soumis à un référendum populaire. Mais depuis, le chef du gouvernement Yahya Ouelt Hademine est revenu sur ces promesses en déclarant que les amendements seraient adoptés au cours d’une conférence parlementaire qui se tiendrait sous peu.
Les déclarations du chef du gouvernement mauritanien ont dérouté les partis de l’opposition dite modérée, et en particulier l’Alliance Populaire Progressiste qui était à la tête des partis d’opposition ayant participé au dialogue national et ayant donné alors leur accord aux amendements constitutionnels, à condition de les soumettre à référendum.
Tout en préférant garder l’anonymat, un responsable au sein de l’Alliance déclare à Dune Voices que les membres du parti refusent que la constitution soit amendée à travers le vote du parlement et qu’ils exigent le référendum populaire. Une décision de cette importance devrait, explique-t-il, être soumise à un vote direct au cours d’un référendum populaire et qui aurait l’avantage de faire parvenir l’ensemble des partis à un consensus.
Aussi notre source affirme-t-elle que tout amendement qui ne passerait pas directement par le peuple sera caduc, non avenu, unilatéral, illégitime et en contradiction franche avec les recommandations du document final issu du dialogue national quelques mois auparavant. D’ailleurs, c’est en comprenant très tôt que le peuple mauritanien refuserait la réforme constitutionnelle, que le régime a voulu anticiper les choses en poussant le gouvernement à faire passer le projet d’amendement par le parlement, « institution qui lui est acquise », pour reprendre l’expression de notre source.
Une rue qui réagit
Après la volte-face du gouvernement, la rue s’est mobilisée et plusieurs manifestations ont été organisées dans les rues de Nouakchott en signe de protestation contre ces procédures.
Lors d’une manifestation le 25 janvier, les manifestants ont appelé à lutter contre ce qu’ils ont appelé « les manœuvres du général Mohamed Ouelt abdelaziz » et à mettre en échec ses combines qui visent à diviser le peuple, à bafouer la constitution et les symboles de la patrie et à maintenir sans relâche sa mainmise sur l’Etat.
Les juristes prennent part à la crise
Au cœur du désaccord qui divise le régime au pouvoir et les partis d’opposition, l’avis d’un expert juriste, docteur Mohamed Abdeljalil Ouelt Yahiya, vient trancher la question de la légitimité de l’amendement constitutionnel selon les deux modalités proposées.
Mohamed Abdeljalil Ouelt Yahiya explique à Dunes Voices que l’article 99 de la constitution stipule dans son premier paragraphe que « l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et aux membres du Parlement ».
Aussi Ouelt Yahiya affirme-t-il que la lecture du texte constitutionnel nous apprend que le président de la République peut mener l’initiative d’amender la constitution selon deux procédures possibles : soit en soumettant lesdits amendements au vote direct du peuple à travers la modalité du référendum ; soit en les faisant passer par le parlement réuni en congrès. Par ailleurs, l’article 101 stipule que « le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en congrès ; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes (3/5) des suffrages exprimés. Le bureau du congrès est celui de l’Assemblée Nationale ».
Selon Ouelt Yahiya les deux procédures sont donc tout aussi valables l’une que l’autre. Ce qui est adopté par le parlement ou par le peuple devient par la suite une norme constitutionnelle et ce qui est stipulé par la norme récente abroge l’ancienne et la remplace, et cela tant qu’une exception n’explicite pas le contraire dans le texte.
Il est à rappeler que c’est le président Mohamed Ouelt Abdelaziz qui avait donné le coup d’envoi aux séances d’un dialogue national en septembre 2016. Cette procédure avait été qualifiée par le régime au pouvoir comme étant l’expression de ses efforts pour intégrer ses opposants dans un échange apte à faire sortir le pays de la crise politique qui l’étouffe depuis le coup d’Etat qui avait déchu le premier président mauritanien élu en 2008.