« En effet à l’état de putréfaction, les ordures ménagères dégagent des gaz toxiques, comme l’hydrogène sulfureux, le méthane, le dioxyde de carbones », ajoute le professeur.
Il y a aussi les moustiques, cafards, et autres insectes nuisibles, mais aussi les rats eux-mêmes l’origine de parasitoses diverses
Les enfants premières victimes de cette pollution de l’environnement
Même les berges du Niger sont envahies par les déchets, alors que le fleuve est la première source de consommation d’eau des habitants.
Les enfants qui passent la plupart de leur temps entre les immondices ou dans les eaux insalubres du fleuve, sont particulièrement exposés aux bactéries. Les différents centres de santé de la ville sont souvent débordés, en particulier par les cas de paludisme.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, l’insalubrité tue chaque année 3 millions d’enfants dans le monde. La région de Mopti a le taux de prévalence du paludisme le plus élevé au Mali, surtout chez les enfants avec 71%, selon un rapport de l’Enquête Démographique sur la Santé au Mali.
A Mopti, comme dans toutes les bourgades environnantes, les riverains consomment directement l’eau du fleuve ou l’utilise à d’autres fins. Un comportement millénaire mais, qui a des conséquences aujourd’hui sur la santé des habitants, du fait de la pollution du fleuve.
Des responsabilités partagées
A travers la ville, on aperçoit des amas de déchets jonchant les espaces publics, solides ou liquides. Dans toutes les rues on aperçoit des fosses à ciel ouvert, creusées pour drainer les eaux usées. Elles proviennent des égouts des toilettes, des abattoirs et des ateliers de teinture utilisés à travers la ville.
Est-ce une négligence ou une impuissance de la part des habitants ? Certains habitants laissent entendre que ‘’le pauvre n’a pas besoin de propreté’’ pour expliquer leur manque de volonté face à des sources de maladies qui se trouvent à l’extérieur.
Issiaka KODIO, 23 ans, habite dans le secteur de Gangal II à Mopti. « Les bordures du fleuve sont devenues un dépotoir, où tous les habitants déversent leurs ordures, malgré nos multiples plaintes auprès des autorités », s’indigne le jeune homme. « c’est une vraie catastrophe, martèle-t-il, surtout pendant l’hivernage où l’air devient irrespirable. Il faut que les services d’hygiène interviennent pour désinfecter les déchets, à défaut de pouvoir les évacuer or de la ville ». Pour lui, la mauvaise gestion des ordures à Mopti n’est ni liée au manque d’argent, ni au manque de moyens humains mais aux mentalités. La solution se trouve, selon lui, dans le changement des comportements. Il estime que les autorités doivent assumer leur responsabilité : « Même si cela consiste à donner des amendes aux habitants».
Dans la Venise malienne, la gestion des ordures ménagères répond cependant à une autre réalité. Pour certains les amas d’ordures sont avant tout une solution au problème des inondations.
Mopti est presque totalement installée sur le lit du fleuve Niger. La légende populaire, dit que la ville sera un jour engloutie par des vagues d’eau. Pour les habitants, tous les moyens sont bons pour se protéger des inondations, et les amas d’ordures sont donc utilisés comme remblais pour permettre certaines constructions. Les plus pauvres se protègent en transformant des montagnes de déchets en forteresses.
Située au croisement du fleuve Niger et du fleuve Bani, la ville couvre une superficie de 125 km2. Sa population est estimée à 130 000 habitants. Par manque d’espace habitable, la plupart des concessions sont installées sur des monticules de déchets.
Les habitants utilisent les déchets solides (mélange de caoutchouc, de morceau de tissus et de banco) pour remplir les bas-fonds afin d’y construire leur maison. Avec la croissance de la population, la maitrise de la qualité de l’environnement devient un enjeu majeur de santé publique.
Centre commercial, la ville attire les populations des bourgades environnantes. Ainsi, l’accroissement de la population oblige les derniers arrivants à s’installer où ils le peuvent.
Les risques sanitaires sont liés à l’insalubrité résultant des conditions d’habitation précaires et de la mauvaise gestion des déchets.
Mais la réalité est beaucoup plus complexe, et il est nécessaire de bien comprendre ce problème d’habitat pour pouvoir agir efficacement et lutter contre ces sources de maladies. Il faut donc des solutions alternatives pour préserver la santé des habitants.
Devant l’inaction des autorités, la malveillance ou l’inconscience de certains habitants et leur pauvreté, la Venise malienne croule sous les déchets. Et la population en fait les frais.
« Nous vivons cette situation depuis des années, donc difficile pour les habitants de trouver une solution dans l’immédiat » témoigne Seydou Touré, un pêcheur Bozo.
« C’est parce que nous manquons cruellement d’espace habitable, que les habitants sont obligés de conserver les ordures pour en faire des barricades. Certains habitants achètent même des déchets pour fortifier leur domaine des inondations », nous confie-t-il. « A présent nous souffrons beaucoup de ces déchets. Nos enfants souffrent régulièrement du paludisme, de plaies sur tout le corps et nos maisons sont remplies de moustiques, d’insectes nuisibles et de rats » déplore-t-il. « Voir les berges du fleuve dans cet état ne nous honore guère mais, les moyens d’action nous manque » ajoute-t-il. Visiblement affaibli, notre interlocuteur a été lui-même victime d’une dysenterie dont le traitement lui a couté 15 000 FCFA, la semaine précédente.
Les pêcheurs Bozo vivent essentiellement de la pêche et sont particulièrement exposés à la pollution puisqu’ils utilisent directement l’eau du fleuve pour la boisson et pour bien d’autres besoins, bien qu’elle soit impropre à la consommation, en l’absence de traitement.
« La mauvaise gestion des ordures sous-tend des Infections Respiratoires Aiguës. Ce sont des maladies liées à la poussière et aux mauvaises odeurs qui s’attaquent à l’organisme et gênent la respiration », explique le docteur Paté Ongoiba. Ces maladies font partie de nombreux cas de consultation dans les différentes structures de santé de Mopti. « Malgré leur bourse faible, plus du tiers du revenu des habitants est absorbé par les soins médicaux » souligne-t-il.
Pour améliorer le traitement des déchets, il faudrait davantage de Groupements d’Intérêt Economiques (GIE), selon le médecin. Ce sont de petites entreprises privées chargées du ramassage des ordures, en complément des services de voirie de Mopti qui fonctionnent mal. Mopti souffre de l’absence de gestion coordonnée des déchets à travers la ville.
A Mopti, comme dans le reste du Mali en général, le développement durable et la lutte contre la pauvreté doivent intégrer la promotion de la santé publique.