Ce report est dû à la protestation exprimée par la Coordination des Mouvements de l’Azawad, ou CMA. Le groupe qui se compose d’anciens rebelles a manifesté son refus de voir Sidi Mohamed Ag Ichrass désigné comme le nouveau maire de la ville de Kidal, fief des rebelles. Ag Ichrass est en effet considéré comme proche du mouvement d’autodéfense de l’Imghad et de leurs alliés "Ghatia", fidèles au gouvernement de Bamako.
Dans des déclarations à la presse, Abbas Ag Intala, chef de la CMA affirmé : « Le gouvernement a décidé ces nominations de façon unilatérale sans nous consulter, quelques heures seulement après notre accord sur la mise en place des autorités provisoires dans les villes du Nord ».
Pour les autorités maliennes, cette nomination à Kidal est synonyme de « retour à la paix ». Maix sur place, nombreuses sont les voix qui se sont élevées contre l’exclusion et la façon dont ont été décidées les nominations à la tête des autorités locales. Des manifestations pacifiques ont été organisées dans nombre de régions du Nord pour dénoncer « le non respect du principe d’unanimité » stipulé par l’accord de paix et de réconciliation au Mali, tel qu’il a été conclu en Algérie.
De nombreux observateurs ont déploré par ailleurs « l’absence d’un cadre juridique codifiant la mise en place des autorités provisoires, d’autant que l’amendement proposé au mois de mars 2016 par la commission nationale en vue de créer un décret juridique organisant les autorités provisoires n’est plus d’actualité ».
Attay Ag Abdallah, militant de la société civile affirme à ce sujet : « On ne parle plus du cadre juridique organisant les autorités locales ni même de l’obligation d’unanimité ». Il souligne également que « les différends politiques qui ont trop duré auront pour conséquence d’approfondir encore plus la souffrance déjà existante du peuple, toutes catégories sociales confondues ».
« Il est évident que l’unique cadre juridique évoquant les autorités provisoires reste le document de l’accord signé en juillet 2016 par le gouvernement et par les groupes armés (CMA et Plateforme). Pourtant, ce document a été discrédité le 20 novembre dernier avec l’organisation des élections municipales qui étaient supposées faire partie des prérogatives desdites autorités provisoires », poursuit Attay Ag Abdallah.
« C’est la raison pour laquelle des désaccords et des dysfonctionnements persistent toujours dans la mise en place des autorités provisoires. Peut-être aussi est-ce dû à un conflit d’intérêts. Nous trouvons en effet que les autorités provisoires et les responsables des municipalités ont à peu près les mêmes prérogatives et les mêmes rôles, ce qui pourrait expliquer que ces responsables localement élus soient favorables aux manifestations qui secouent encore les régions du Nord en signe de rejet de la composition de ces autorités », explique-t-il.
S’exprimant sur la question, le député parlementaire Ibrahim Cissé affirme quant à lui : « nous n’acceptons pas d’être représentés ; nous sommes là et nous allons nous représenter nous-mêmes ».
« Si on tient absolument à appliquer ce qu’il y a dans le dernier document, il faudra établir des autorités provisoires seulement dans les régions où il n’y a pas eu d’élections », poursuit-il.
Selon l’accord, le mandat desdites autorités provisoires doit s’étendre de 18 à 24 mois. Mais l’exercice effectif d’autorité ne sera que de quelques mois seulement, puisque les élections municipales se tiendront le 20 novembre.
Pour sa part, le gouvernement a choisi la date du 28 mai pour les élections dans les régions restantes et celle du 9 juillet pour les élections régionales et pour le référendum constitutionnel prévu par l’accord.
Cissé conclut en disant : « Remarquons enfin que toutes ces réalités attestent de la nécessité urgente de réviser les dispositions de cet accord, dispositions qui sont loin de faire l’unanimité… ».
La question que beaucoup posent est de savoir si cette nouvelle crise du processus de paix ne revient pas finalement à enterrer pour toujours l’accord de paix et de réconciliation au Mali.
Houcine Ag Issa